Avons-nous vraiment dépassé notre complexe de colonisé face à l’anglais?

Jocelyn Jalette | Le Patriote

 

 

Pour savoir où l’on veut aller, il faut savoir d’où l’on vient. C’est une évidence pour un individu, mais c’est encore plus incontournable pour un peuple. Cette formule paraît banale tant elle est reprise et répétée ad nauseam.

Selon nous, toute nation qui désire produire des citoyens avec sa jeunesse, et non pas de simples consommateurs, devrait prioriser deux matières scolaires au-dessus de toutes les autres : la langue nationale (pour nous le français) et… l’histoire ! Pas seulement celle de la nation, mais aussi celle du monde. Les conflits, les rancoeurs entre les peuples, ne peuvent se comprendre qu’en étudiant leurs origines. Les guerres au Moyen-Orient, par exemple, ne peuvent s’expliquer que si l’on remonte aux guerres de colonisation, aux accords Sykes-Picot, voire même aux croisades.

Lorsqu’on veut cacher une vérité aux citoyens, les gouvernants manipulent l’histoire… ou la passent sous silence. C’est ce que l’on peut constater en 2017. Les fêtes du 375e de Montréal ou du 150e du Canada ne sont que des « partys » sans saveur, coupés de toute attache historique.

On souligne les quatre supposés peuples fondateurs de Montréal dans le cadre du 375e anniversaire: Français, Anglais, Écossais et Irlandais. On assiste ici à une réécriture de l’histoire ou à une erreur mathématique. Soit on doit parler des quatre peuples présents lors de la création du Conseil municipal et de l’adoption de la Charte de la ville en 1833, soit on parle d’un seul peuple fondateur, les Français en 1642 (le village iroquois d’Hochelaga ayant disparu depuis le passage de Cartier). On ne peut affirmer une chose et son contraire ! Bien entendu, tout cela est volontaire, car tout est fait dans les célébrations du 375e pour minimiser l’apport du peuple Français. Et comme nous sommes un peuple conquis, on accepte cela sans sourciller. On s’étonnera ensuite que nous nous laissions gouverner par une équipe incapable de gérer une tempête de neige… au Québec !

 

Le français, langue commune

Concernant la langue nationale, il est essentiel pour toute nation d’avoir UNE langue commune à tous ces citoyens. C’est une condition incontournable pour qu’un peuple puisse avoir une cohésion et éviter les déchirements du communautarisme. Deux langues ne peuvent subsister sur un même territoire sans que l’une fasse disparaître la plus faible. La Suisse, État ayant quatre langues officielles, réussit à conserver cet équilibre que grâce à sa répartition par cantons. Ces derniers étant presque tous unilingues. Ainsi, chaque langue peut prospérer sur son territoire. Bruxelles, capitale belge, officiellement bilingue était majoritairement néerlandophone au début du 20e siècle. Aujourd’hui, elle est francophone à plus de 85 %. C’est le résultat naturel du libre choix. Un immigrant apprendra presque toujours la langue la plus répandue, la plus utile à ses yeux, lorsqu’il en a le choix. C’est le même phénomène qui provoque chez nous l’anglicisation de Montréal.

 

Et dans nos écoles?

Nous avons observé que plusieurs écoles de la commission scolaire des Affluents (Sud de Lanaudière) organisent maintenant des activités faisant la promotion de l’anglais. Nous tenons tout d’abord à faire une distinction entre l’éducation et la promotion qui sont deux choses bien différentes. Qu’un professeur tienne des initiatives en classe pour améliorer l’apprentissage de sa matière est une chose. Qu’une école organise la promotion de l’anglais en est une autre.

Première ironie de la chose, cette promotion se déroule en avril, juste le mois suivant mars, mois de promotion mondiale de la francophonie. Est-ce une façon de banaliser cette dernière, de la rendre inefficace? Ou de s’en moquer? Peut-on mettre, en Amérique du Nord, ces deux langues sur un même pied? Elles ne le sont pourtant pas! Peuton douter de la force d’attraction naturelle de l’anglais sur les jeunes? N’écoutent-ils pas déjà presque exclusivement de la musique anglophone? L’absurde de la chose se constate avec une activité comme le « T-shirt day ». On suggère alors aux élèves de porter toute une journée un chandail arborant une inscription anglaise. Vraiment? Il y a un défi là-dedans? C’est comme si on leur demandait de fouiller une botte de foin pour y trouver une brindille au lieu de l’aiguille. Ils n’ont sans doute QUE des chandails à consonance anglophone dans leur penderie.

Et si, au moins, on accordait déjà la même importance aux deux langues. Le français demeure fragile et parfois même dévalorisé. On organise des classes d’anglais intensif en 6e année, mais penserait-on seulement à tenir et réussir une cinquième année de français intensif comme préalable? Juste pour nous assurer de rehausser l’apprentissage de la langue commune avant d’envoyer les enfants vers une autre langue.

Chez beaucoup de nouveaux arrivants, le problème n’est pas l’anglais, mais bien la connaissance du français. Il ne suffit pas de baragouiner une langue pour s’intégrer à une société, il faut aussi la vivre. Les enfants dans nos écoles francophones parlent tous français. On peut cependant se poser des questions sur la qualité et la variété du vocabulaire, mais le véritable défi est de connaître leur langue de consommation culturelle. Plusieurs n’écoutent jamais la télé ou la radio francophone. Ils parlent français, mais consomment exclusivement en anglais.

Finalement, on perd le sens de ce qu’est vraiment la promotion. On promeut une cause, toujours celle des plus faibles. Il y a deux journées des travailleurs dans l’année, mais nous viendrait-il à l’esprit d’en avoir une pour les patrons millionnaires? A-t-on idée de promouvoir les jeux vidéo auprès des jeunes? Ou l’usage du cellulaire? Faire la promotion de l’anglais est aussi absurde. Rassurez-vous la langue de Shakespeare ne cesse de progresser et n’a aucunement besoin qu’on la pousse davantage. Le français, par contre, oui!