Hormisdas Laporte

Par Jean-Pierre Durand

Hormidas Laporte
Hormidas Laporte

Ouvrons d’abord une parenthèse. On rencontre, selon la source, deux graphies pour le prénom du 38e président de la SSJB : Hormidas et Hormisdas. La première forme est fautive. Dans tous les cas, ce prénom est vieillot et ce n’est pas demain la veille qu’il redeviendra à la mode. Pour la petite histoire, il y eut un pape prénommé Hormisdas en l’an 514, qui, avant de poursuivre son veuvage dans les ordres, avait eu un fils, Silvère, qui deviendra pape à son tour en 537. Comme quoi on peut être pape de père en fils. Fermons la parenthèse.

Hormisdas Laporte naquit à Lachine en 1850. D’origine modeste, il travailla le jour dans une manufacture de clous pendant qu’il suivait des cours du soir. Puis il devint commis dans une épicerie avant de travailler à son compte dans sa propre épicerie.

Malheureusement, une crue du Saint- Laurent en 1873 noya ses efforts et son commerce. Loin de se laisser abattre, il ouvrit une autre entreprise, cette fois de bois et de charbon. Plus tard, en 1881, il se lança dans le commerce en gros de fruits et de légumes, où il fit fortune, devenant, permettez le jeu de mots, lui-même une grosse légume. En 1874, il épousa Myrza Gervais, mais j’ignore si cette union porta ses fruits.

Homme d’affaires prospère, Laporte participe activement à la vie sociale et économique de son temps. En 1892, il fut l’un des fondateurs et le premier président de l’Alliance Nationale, une société de secours et de bienfaisance connue aujourd’hui sons le nom d’Industrielle Alliance. De 1894 à 1896, il est le président de la Chambre de Commerce de Montréal. De 1897 à 1904, il est échevin et préside le Comité des finances. En 1904, il est élu maire de Montréal comme candidat réformiste opposé aux trusts. Il le restera jusqu’en 1906. Il fut aussi membre de la Commission des écoles catholiques de Montréal, président de la compagnie du Crédit foncier, président, à partir de 1907 et jusqu’à sa mort, survenue en 1934, de la Banque Provinciale du Canada, aujourd’hui la Banque nationale.

On comprendra aisément que Laporte ait pu faire bénéficier la SSJB de sa vaste expérience des affaires, car cet homme (et bien d’autres comme lui) travaillait d’arrache-pied à conquérir plus d’influence économique pour les Canadiens français, en dépit des embûches que ne manquaient pas de leur tendre la finance anglo-saxonne. Cependant, qui trop embrasse mal étreint, et c’est peut-être ce qui explique que Laporte ne soit pas demeuré longtemps à la barre de notre Société, soit uniquement de 1905 à 1907. D’ailleurs, Rumilly le laisse entendre, dans son Histoire de la SSJB de Montréal (L’Aurore, 1975), en soulignant que la présidence d’Hormisdas Laporte (fut) calme (p. 198) et qu’il n’avait plus le temps d’exercer sa charge présidentielle (p. 202). De toute façon, au moment de la présidence de Laporte, on ne peut pas dire que la fougue nationaliste étouffait la SSJB. C’est plutôt à l’Association catholique de la Jeunesse canadienne-française (c’est d’ailleurs au sein de celle-ci que seront formés les futurs leaders nationalistes qui accéderont à la présidence de la SSJB), et chez des personnes comme le député Armand Lavergne et le journaliste Olivar Asselin qu’on retrouve alors les ténors du mouvement nationaliste et les combattants pour la défense de la langue française.

Hormisdas Laporte n’était pas un guerrier, c’est le moins qu’on puisse dire, et je ne suis pas sûr non plus de faire une fleur à Sir Hormisdas en mentionnant qu’il fut nommé Chevalier en 1918 par le roi George V et reçu également docteur « honoris causa » de l’université McGill. Mais bon, on ne peut effacer des pans d’histoire quand bien même celle-ci ne ferait pas notre affaire ! On se consolera en se disant que les choses ont bien changé à la SSJB depuis les années Hormisdas.