LA LOI SUR LA CLARTÉ un caillou persistant dans les souliers de Mulcair

par Xavier Barsalou Duval

 

Le 3 février dernier, un article du Devoir titrait Roy Romanow remet en question la loi sur l’unité au sein de son parti. Loin d’être anodine, la sortie de monsieur Romanow semble plutôt être tout à fait en phase avec l’opinion majoritaire canadienne, puisqu’il y a un an de cela, un sondage Harris-Décima pour La Presse Canadienne concluait qu’environ 75 % des Canadiens sont d’avis que le seuil de 50 %+1 est insuffisant pour permettre au Québec de former un pays indépendant.

Rappelons-nous qu’au moment où le Bloc québécois a déposé son projet de loi visant à abolir la Loi sur la clarté, Thomas Mulcair disait qu’il s’agissait d’un débat dépassé. Manifestement, pour Roy Romanow, ce n’est pas le cas.

Même s’il s’agissait d’un débat dépassé, le NPD a tout de même pris la peine de répliquer en présentant son propre projet de loi sur la clarté, qui vient spécifier que ce serait au gouvernement fédéral de décider si une éventuelle question référendaire est suffisamment claire.

Contrairement aux idées reçues, il n’est fait mention nulle part dans le projet de loi C-470 du NPD qu’une majorité claire est de 50 %+1. En effet, le libellé parle simplement d’une majorité des voix validement exprimées sans définir ce que serait cette majorité.

Ainsi, lorsqu’il est présent au Québec, Thomas Mulcair continue à entretenir le flou artistique autour du 50 %+1 et de la fameuse déclaration de Sherbrooke. Au Canada cependant, c’est la deuxième partie de leur projet de loi qui est mise de l’avant. Dans les faits toutefois, loin de faire preuve d’ouverture envers le Québec, leur projet de loi est encore plus dur que la loi originale.

Le Bloc québécois a évidemment dénoncé ce projet de loi parce que c’est au Québec, et non au Canada, de décider de la question à poser. Cette position a d’ailleurs coûté cher au NPD, qui a perdu un député dans l’aventure, étant donné que Claude Patry a claqué la porte pour venir grossir les rangs du Bloc. Force est de constater que la mise en scène n’a pas fonctionné d’un côté comme de l’autre puisque ni Claude Patry ni Roy Romanow n’en furent dupes.

Ménager la chèvre et le chou

Ceux qui ont un peu de mémoire se souviendront qu’une situation semblable s’était produite avec la Loi 101 lors du jugement de 1988 de la Cour suprême qui rétablissait le bilinguisme en matière d’affichage. Robert Bourassa avait d’abord fait un compromis en autorisant l’affichage bilingue à l’intérieur, mais en faisant usage de la clause nonobstant en ce qui à trait à l’affichage extérieur. Face à la colère des anglophones et à la menace du parti Égalité, lorsque le moment vint d’en faire le renouvellement en 1993, Bourassa se conforma complètement au jugement de la Cour suprême. Bourassa trouva alors le moyen de se mettre à dos à la fois l’électorat francophone et l’électorat anglophone, et il fut évidemment battu aux élections suivantes.

Cette situation illustre parfaitement l’impossibilité de contenter à la fois le Québec et le Canada. Claude Patry en avait alors conclu que les partis fédéralistes quels qu’ils soient ne peuvent pas bien servir les intérêts du Québec.

Avec la contestation de la loi 99, nous n’avons pas fini d’entendre parler de la Loi sur la clarté. Le NPD a d’ailleurs été bien discret sur cette question. Malgré tout le temps de parole auquel a droit l’opposition officielle, elle n’a pas su trouver l’occasion d’adresser une seule question à ce sujet à la Chambre des communes, tandis que le Bloc québécois, avec une équipe réduite, a pour sa part su trouver le temps nécessaire.