La SSJB se fait refuser l’accès au balcon de l’hôtel de ville de Montréal

Jeanne Corriveau | Le Devoir

Cinquante ans après le passage remarqué de Charles de Gaulle au Québec, la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) souhaitait organiser un événement commémoratif à partir du célèbre balcon de l’hôtel de ville de Montréal, où le général français lança son « Vive le Québec libre » le 24 juillet 1967. Mais elle a dû changer ses plans puisque le cabinet du maire Denis Coderre lui a refusé l’accès à ce balcon.

Le général de Gaulle a lancé son célèbre «Vive le Québec libre» le 24 juillet 1967 du haut du balcon de l’hôtel de ville de Montréal. – Photo: La Presse canadienne

Comme elle l’avait fait en 1997 au 30e anniversaire de la visite du général de Gaulle, la SSJB voulait commémorer l’événement à l’hôtel de ville de Montréal. Cette fois, elle comptait faire une lecture de textes écrits par l’ancien président français lors d’une cérémonie qui devait se dérouler en partie sur le balcon du 2e étage.

 

En avril dernier, l’ex-premier ministre Bernard Landry, président d’honneur de la SSJB, et l’actuel président de l’organisation, Maxime Laporte, ont donc écrit une lettre au directeur de cabinet du maire Coderre pour présenter le projet.

« On n’a jamais eu de réponse claire et, chose certaine, jamais de réponse positive », a indiqué au Devoir M. Laporte.

Au cabinet du maire Coderre, on rétorque que la Ville a choisi de saluer le passage du général de Gaulle autrement. « L’hôtel de ville est neutre et apolitique. Les citoyens de Montréal n’accepteraient pas que ces lieux soient instrumentalisés », a expliqué Noémie Brière-Marquez, attachée de presse au cabinet du maire. Elle a cependant précisé que la Ville perpétuait la tradition de recevoir la SSJB à l’hôtel de ville tous les 24 juin.

 

Une « erreur »

« C’est sûr que c’est très décevant. On s’attendrait, pour un événement aussi marquant, à ce que celui-ci soit souligné en grand », a déploré Maxime Laporte. « On voulait faire quelque chose de très solennel, en partenariat avec la Ville, en s’assurant bien sûr que c’est un événement commémoratif historique, et non politique. »

« Je pense que c’est une erreur », a pour sa part souligné Bernard Landry lors d’un entretien téléphonique.

« Cette déclaration du général de Gaulle est un événement historique. Le monde entier a entendu parler du Québec, pour la première fois dans bien des cas. L’importance historique était telle que quelques jours après, René Lévesque a quitté le Parti libéral pour épouser la cause indépendantiste. »

Cette déclaration du général de Gaulle est un événement historique

Bernard Landry, ancien premier ministre du Québec

 

« Je pense que le maire n’a pas fait preuve de beaucoup de profondeur et qu’il aurait dû collaborer avec la Société Saint-Jean-Baptiste pour donner toute l’importance voulue à un tel événement historique », a poursuivi l’ex-premier ministre.

M. Landry ne comprend pas que l’administration puisse craindre une instrumentalisation de l’hôtel de ville. « C’est simplement faire son devoir de citoyen » que de souligner un événement historique majeur, a-t-il dit.

Bernard Landry était présent lorsque Charles de Gaulle a prononcé son fameux discours sur le balcon de l’hôtel de ville. Il revenait alors d’un séjour de trois ans d’études à Paris.

« Des compagnons de l’Université de Montréal m’avaient invité à aller dîner avec eux dans le Vieux-Montréal. Je me suis retrouvé à la place qu’il fallait au moment qu’il fallait et j’ai entendu la déclaration [du général de Gaulle]. Pour un retour au pays, c’était quelque chose ! »

 

Le buste

Maxime Laporte estime que le malaise à l’égard de Charles de Gaulle ne s’est jamais réellement dissipé à l’hôtel de ville : « C’est assez ironique parce que le 24 juillet 1967, le maire Drapeau ne voulait pas que le général s’adresse à la foule. On a l’impression d’être au même point à cet égard. »

Il souligne aussi que deux maires de Montréal, soit Pierre Bourque et Gérald Tremblay, ont refusé que le parc La Fontaine accueille le buste de Charles de Gaulle créé par le sculpteur Alain Aslan.

L’oeuvre a finalement été offerte à la SSJB, qui l’a installée devant l’immeuble qu’elle occupe, rue Sherbrooke Ouest.

La Ville de Montréal soulignera toutefois le passage de Charles de Gaulle en rendant accessible au public le célèbre balcon pour des visites guidées d’une durée de 30 minutes le 24 juillet prochain entre 11 h et 16 h 30.Ce balcon est attenant au bureau de la vice-présidente du comité exécutif Anie Samson.

Et du 21 au 28 juillet, une exposition présentera divers documents d’archives, dont des photos, les livres d’or signés par le général de Gaulle en 1960 et en 1967 ainsi qu’une vidéo de son discours sur le balcon de l’hôtel de ville.

L’exposition se déroulera au rez-de-chaussée et dans le vestibule de l’immeuble, puisque le hall d’honneur est déjà occupé par l’exposition sur l’histoire du baseball.

Quant à la SSJB, qui a dû faire son deuil du balcon, elle dévoilera mercredi matin les détails de sa programmation pour les commémorations de la visite du général français

 

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