L’autre combat d’Ariane

La « bachelière-boxeuse » se porte à la défense du français

Fougueuse et déterminée dans l’arène, Ariane Fortin utilise la même énergie pour un autre combat quand elle retire ses gants: la défense du français au Québec.

La boxeuse originaire de Saint-Nicolas est médaillée des plus importants tournois internationaux durant sa carrière débutée il y a 15 ans, et ses succès sportifs masquent un angle de sa personnalité qu’on connaît moins. Derrière la troisième au classement mondial des 75 kilos se cache la détentrice d’un baccalauréat intégré en langue française et rédaction professionnelle de l’Université Laval.

Des incitatifs aux arrivants

«J’avoue que ce n’est pas un sujet que j’aborde souvent dans mes entrevues avec les médias», rigole la boxeuse de 31 ans, rencontrée au club de boxe Underdog, où elle s’entraîne au centre-ville de Montréal.

Le recul de la langue française, l’assimilation des immigrés, la réforme de l’orthographe; les sujets délicats s’entrechoquent au Québec. Sans y participer de façon enragée, Ariane Fortin accorde cependant une importance à toute mesure pouvant perpétuer la langue française chez nous comme celle d’instaurer des incitatifs auprès des Syriens et autres nouveaux arrivants pour l’apprendre.

«Je trouve ça important. Il faut continuer de se donner des lois pour que la langue soit conservée. Je trouve qu’il y a du sens à ce qu’ils apprennent le français à l’école même si tout le monde arrive avec toutes sortes de bagages et qu’il y en a pour qui l’anglais est leur langue maternelle», prétend l’athlète, qui effectue de la correction pour un magazine de décoration afin de «garder la main» pour l’écriture.

Ouverte à une réforme

La réforme de l’enseignement du français dans les écoles de la France a soulevé un tollé dans ce pays. Les nouvelles règles permettant notamment d’écrire «ognon» au lieu d’«oignon» et de supprimer les accents circonflexes n’ont pas encore reçu la même bénédiction au Québec, un virage pour simplifier l’apprentissage que la boxeuse serait d’accord pour emprunter.

«Je pense que c’est une bonne chose. Il faut rester ouvert parce que le but premier, c’est de rendre la langue accessible. C’est normal que la langue se transforme au fil du temps pour qu’elle reste vivante», affirme la Québécoise.

«Ça devient de plus en plus important parce que c’est une réalité que ça se perd. Les gens perdent l’intérêt envers le français parce qu’il y a tellement de complications. On s’est longtemps référé au XVIIe siècle en la gardant compliquée parce que ça plaisait à l’élite, alors que c’est le contraire: la langue appartient au peuple. Je comprends qu’il faut des règles pour que ce soit clair et qu’il n’y ait pas d’équivoque, mais je pense aussi qu’il est important de garder un équilibre entre l’usage et les règles.»

La retraite approche

Sa passion pour la boxe ne diminue pas, mais l’âge qui avance contraint Ariane Fortin à envisager la retraite quand l’effervescence olympique sera terminée.

Qu’elle arrive ou non à se qualifier pour les Jeux de Rio, l’athlète originaire de la Rive-Sud (Québec) voit au loin les championnats du monde en 2017, ce qui mettrait alors un terme à la carrière d’une des plus importantes actrices dans l’histoire de la boxe féminine canadienne.

«Je boxe depuis que j’ai 16 ans. J’aime encore vraiment ça, je suis autant passionnée, mais il y a autre chose que la boxe dans la vie. Je vais sûrement demeurer dans le sport, même si je ne sais pas dans quoi», affirme l’athlète de 31 ans.

Arrivée au sommet de son art, c’est aussi un peu l’usure du temps qui incite Fortin à réfléchir à son avenir.

«Je ne saurai pas demain matin si je vais garder des séquelles, mais qu’on le veuille ou non, on reçoit des coups à la tête. Quand on performe, on en reçoit moins, mais c’est beaucoup un pari qu’on prend avec notre santé. Il faut en être conscient et j’ai toujours gardé une attitude responsable là-dessus durant mes entraînements.»

Deux chances pour Rio

Gagnante à la sélection canadienne des 75 kilos en décembre dernier, Fortin dispose maintenant de deux occasions pour réaliser son objectif de participer aux Jeux olympiques. La première consiste à atteindre la finale à la sélection continentale, du 10 au 20 mars à Buenos Aires. La dernière chance se trouvera ensuite aux championnats mondiaux, du 19 au 27 mai au Kazakhstan, où les quatre demi-finalistes obtiendront leur visa pour Rio.

Pour l’un ou l’autre de ces deux tests, les échos émanant de l’équipe canadienne laissent entendre qu’il s’agit d’une formalité pour la boxeuse québécoise, troisième au monde dans sa catégorie. Si elle devait régler le cas dès le mois prochain, on la verra tout de même au rendez-vous mondial suivant. Pas question pour elle de tomber dans l’oubli.

«C’est un sport jugé dans lequel tout compte, alors c’est important de rester active auprès des juges.»

 

SOURCE
Photo Mathieu Belanger