Djihad et ceintures fléchées

MAXIME LAPORTE | SOCIÉTÉ SAINT-JEAN BAPTISTE | 24/10/2014
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Beaudet [23/10/2014]

Le caricaturiste Beaudet y est allé fort aujourd’hui dans le Journal de Montréal en illustrant un djihadiste armé ayant drapé sa tête d’une ceinture fléchée.

Il va sans dire, la caricature et l’autodérision jouent un rôle fondamental dans notre démocratie. Mais j’aimerais tout de même préciser pour ceux qui pourraient tirer des conclusions douteuses de la caricature de Beaudet, qu’il n’y a aucune association possible entre cet emblème populaire et national du Québec qu’est la ceinture fléchée, et l’islamisme radical. Je comprends qu’il ne s’agit que d’un dessin, – encore qu’un dessin puisse marquer puissamment l’imaginaire -, mais je trouve déplorable qu’on représente ce symbole dans un contexte aussi déshonorant.

Évidemment, la ceinture fléchée comme telle ne porte en elle aucun message haineux et ne saurait être reliée de près ou de loin à quelque fondamentalisme que ce soit. Elle symbolise notamment l’histoire des colons, coureurs des bois et habitants de la Nouvelle-France. Elle rappelle de plus les échanges et le métissage entre les Canadiens et les Premières nations. On la relie souvent au combat démocratique des Patriotes, puisqu’on la voit arborée par le « Vieux » à la pipe sur certains drapeaux patriotes, représentant l’insurrection de 1837-38… Bien entendu, tout cela n’a rien à voir avec le groupe État islamique (EI).

 Mais ce qui m’apparaît le plus dangereux dans cette association qui peut sembler banale a priori, c’est d’en venir à croire que seuls des Québécois seraient attirés par le djihad… On commence même à lire sur les réseaux sociaux que les attentats de Saint-Jean-sur-Richelieu et d’Ottawa seraient attribuables aux « séparatistes québécois »! Voilà un autre cas patent de francophobie. Je ferais remarquer à ces gens qu’un militaire québécois, l’adjudant Patrice Vincent, est mort lui aussi. D’ailleurs, pourquoi les médias canadiens ne se mobilisent pas autant pour aider les proches de ce dernier que pour ceux de Nathan Cirillo, le soldat canadien-anglais tué à Ottawa dans des circonstances semblables?

Que cela soit bien clair, les attentateurs qui semblent s’être convertis aux visées de l’EI et à ses pratiques barbares, je parle des présumés assassins Martin Couture-Rouleau et Michael Zehaf Bibeau, n’ont rien de québécois. D’ailleurs, ils ne mériteraient même pas de porter ce noble symbole qu’est la ceinture fléchée.

Je vous invite à faire part de vos commentaires aux responsables du Journal de Montréal.

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Je profite de cette chronique pour exprimer mes plus sincères condoléances aux familles et aux proches des deux militaires qui ont été lâchement assassinés dernièrement par ces fous d’Allah.

Cela fait longtemps que je me définis comme un partisan de la paix et de la non-violence, la morale de Ghandi ayant toujours exercé une forte influence sur ma pensée.

Malheureusement, la réalité est telle que les antagonismes politiques dégénèrent trop souvent en conflits armés. Or, pour moi, la guerre n’est autre chose que l’échec de l’intelligence humaine. Sun Tzu, grand professeur de l’Art de la guerre, nous a appris qu’il vaut toujours mieux éviter les conflits ouverts en faisant preuve de stratégie, de sorte qu’une guerre puisse être réglée longtemps avant qu’elle n’éclate.

À la lumière de ce qui se passe sur l’échiquier géopolitique mondial, force est de constater que les leaders de notre monde manquent encore cruellement d’intelligence. De tout temps, les populations civiles, les femmes notamment, ont redouté à juste titre d’avoir à souffrir les misères de la guerre, dont elles sont toujours les premières victimes.

Bien sûr, lorsque la guerre se mène à des milliers de kilomètres de chez soi, elle apparaît comme une réalité moins tangible et plus abstraite que si elle se déroulait ici. D’ailleurs, un sondage Global News-Ipsos Reid révélait dernièrement qu’une majorité de Canadiens (64%) appuyaient l’idée que le Canada participe aux frappes aériennes en Irak. Sans grande surprise, c’est au Québec que cet appui est le plus bas, à 53 %, le plus haut appui s’affichant en Ontario, à 71 %.

Cela dit, cette guerre qui n’a rien de traditionnel, soulève de plus en plus de questionnements au sujet de la sécurité du Canada et partant, du Québec.

Historiquement, les Québécois se sont toujours montrés plus réfractaires que le reste du Canada à l’idée d’aller en guerre. On se rappellera les débats entourant la participation du Dominion à la Guerre des Boers de même que les réactions populaires, durement réprimées, face aux conscriptions imposées par Ottawa lors de la Première et de la Seconde guerre mondiales.

D’ailleurs, la dernière attaque sur notre territoire à l’endroit d’un militaire d’ici remonte à loin. L’adjudant Patrice Vincent, blessé mortellement par le tireur Martin Couture-Rouleau converti au djihad islamiste, est d’après mes recherches la première victime militaire québécoise d’une attaque pour motifs apparemment guerriers sur le territoire du Québec depuis la Bataille du Saint-Laurent entre les U-Boots allemands et la Marine royale canadienne lors de la Seconde guerre mondiale.

Il y a lieu de se demander quel genre de politique en matière de sécurité internationale le Québec devrait se doter. Et aussi, si nous sommes prêts à assumer collectivement les risques reliés à la décision du Canada de procéder à des interventions armées en Irak, interventions auxquelles nous nous trouvons associés, nous qui n’avons toujours pas accédé au statut d’État. Traditionnellement, les Québécois ont toujours préféré les actions humanitaires et logistiques aux manoeuvres violentes. La politique d’Ottawa à cet égard a longtemps correspondu ou presque à cette approche. Or, le gouvernement Harper a radicalement changé l’image du Canada à l’étranger ainsi que la manière dont ce pays se comporte dans les conflits mondiaux.

Ce comportement n’est sans doute pas étranger aux visées pétrolifères d’Ottawa et à sa volonté de faire de l’industrie du pétrole et du gaz de l’Ouest canadien, un joueur majeur, voire incontournable sur le marché mondial, notamment européen et asiatique. Cela aura inévitablement des incidences importantes sur le positionnement du Canada sur la scène mondiale, en plus de soulever des problématiques d’ordre éthique, environnemental et économique. Tout cela est entrain de se passer sous nos yeux, et sur notre territoire. Le peuple du Québec se révèle au coeur de ces enjeux géopolitiques. Or, on ne semble pas mesurer l’étendue de notre pouvoir d’influencer la suite des choses.

Certes, l’heure est présentement au recueillement. Mais, on ne pourra longtemps faire comme s’il n’y avait pas de sérieuses questions à se poser quant à notre avenir. C’est maintenant que tout se joue. Souhaitons-nous vraiment voir le Québec complice des politiques de Harper, qui faut-il le rappeler, parle en notre nom dans les grands forums internationaux? Sommes-nous prêts à assumer les risques et les conséquences de ces politiques? Évaluons-nous bien le prix que nous aurons à payer, ne serait-ce qu’en termes de sécurité, de relations internationales, d’environnement et d’économie?

 Et je ne parle pas du coût moral.

 Signature Maxime Laporte

Maxime Laporte,
président général de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal