Le français, encore vaincu

 Mathieu Bock-Côté | Journal de Montréal

 

…si nous ne donnons pas un sérieux coup de barre pour redresser la situation, le français deviendra minoritaire à Montréal

 

Depuis près de 20 ans, une question hante régulièrement les instances du Parti québécois: faut-il oui ou non appliquer la loi 101 au niveau collégial?

Deux camps s’affrontent inégalement.

Le premier camp, minoritaire mais pugnace, croit que la chose est nécessaire.

Son avis? Il n’est pas normal que les jeunes, et notamment les jeunes immigrés, une fois leur secondaire terminé, puissent sortir tout simplement des institutions du Québec francophone, comme s’ils pouvaient enfin se délivrer d’une culture qui ne les intéresse pas vraiment.

La francisation ne consiste pas seulement à apprendre le français mais à s’intégrer culturellement à la majorité historique francophone.

Cégep

Pourquoi les Québécois devraient-ils financer leur anglicisation comme peuple à même leurs fonds publics?

Les institutions anglophones sont là pour assurer les droits historiques de la minorité anglaise, et non pas pour créer une société bilingue.

Les promoteurs du cégep français ajoutent: si nous ne donnons pas un sérieux coup de barre pour redresser la situation, le français deviendra minoritaire à Montréal.

Le deuxième camp rassemble l’establishment péquiste, qui a décrété depuis longtemps que l’application de la loi 101 au collégial était une mesure extrémiste.

Elle serait exagérément sévère et laisserait croire à une radicalisation du PQ. Elle ferait même fuir les électeurs. On aurait envie de répondre que le souverainisme bon chic bon genre y est parvenu sans aide.

Les élites péquistes nous disent: encourageons les jeunes à aller au cégep français mais ne les obligeons pas. Un mauvais esprit leur rappellera que c’était la position des adversaires de la loi 101 au moment de sa promulgation il y a 40 ans.

Ne nous faisons pas d’illusion: le deuxième camp l’emportera.

La vraie question est simple: le Québec doit-il être une société française ou une société bilingue?

Est-ce que le français doit clairement prédominer ou ne doit-il être qu’une langue sur deux, à laquelle on accorderait peut-être un petit avantage symbolique sans trop de conséquences pratiques?

Est-ce que nous considérons que tout ce qui pouvait être fait pour imposer le français comme langue commune a été fait? Nos élites le prétendent.

Certaines personnalités croient même venu le temps d’angliciser la vie publique au nom de l’ouverture aux anglophones et aux communautés culturelles.

On a récemment vu Amir Khadir poser une question en anglais à Martin Coiteux, qui lui a d’abord répondu en français, avant de s’en excuser! Ce qui est moderne, chez les décideurs, c’est la régression du français.

Il faudrait lancer une offensive très vigoureuse pour redresser la situation linguistique.

Franchise

Dire clairement qu’à Montréal, la situation est catastrophique.

Dire franchement que notre disparition comme peuple est enclenchée.

Dire que la jeunesse est en train de se perdre dans un franglais qui n’est qu’un dialecte de colonisés fiers de l’être.

Mais cela n’arrivera malheureusement pas.

Qu’est-ce que la modération politique au Québec?

Cela consiste à accepter de régresser comme peuple sans trop se plaindre, en restant piteusement calme, comme un bon toutou qu’on endort pour de bon sans trop de douleur.

 

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