Le français se die

ÉTIENNE BOUDOU-LAFORCE et OLIVIER LACELLE | HUFFINGTON POST QUÉBEC | 07/08/14 |

À l’égard de la polémique autour du groupe Dead Obies et du phénomène du franglais, […], il est difficile de ne pas sourciller lorsque Mme Sarkar [sociolinguiste et professeur à l’Université McGil] prétend que le « français mixte » démontre « la réussite de toutes les politiques linguistiques québécoises » ou quand elle soutient que « le français n’est pas mis en danger par les jeunes générations. » L’auteur semble nous dire qu’il n’y a pas de problème, que le français se porte bien, qu’il se renforcerait même. En somme, il faudrait se réjouir de l’utilisation du franglais!

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[Photo : inconnu] « Les membres de Dead Obies n’ont ainsi pas à être les boucs émissaires de la situation du français, ils ne sont qu’un symptôme d’un glissement linguistique s’opérant. Si l’on souhaite faire avancer la cause du français, nous devrions bien davantage mettre nos énergies à exiger la francisation obligatoire des nouveaux Québécois, le retrait de l’anglais intensif imposé, de même que nous opposer au bilinguisme institutionnel. »

Le recul du français au […] Québec est pourtant rationnellement démontré par maintes études et statistiques. C’est l’évidence même que le phénomène existe et prend de l’ampleur. Citons un passage de la conclusion du Rapport sur l’évolution de la situation linguistique au Québec (2011) de l’OQLF : « Il ressort de ces études que l’accroissement naturel des francophones et des anglophones – insuffisant pour assurer à lui seul le renouvellement des générations -, ainsi que l’immigration accrue, viennent modifier le portrait démolinguistique de la province. […] Il en découle une augmentation du nombre et de la proportion de personnes de langues maternelles tierces, une diminution du poids relatif des francophones et une stabilisation de celui des anglophones.» […]

[…] « Il y a constamment des gens qui s’inquiètent et écrivent dans les journaux que la langue est en train de se dégrader », de dire Mela Sarkar. Se questionner sur une tendance linguistique, de même qu’évoquer le recul du français au Canada et au Québec serait ainsi un réflexe inconvenant, un élan nationaliste mal orienté en quelque sorte. Plus loin, la chercheuse de McGill suggère que chanter en français est artistiquement moins intéressant qu’en franglais, puis, plus surprenant encore, elle clôt son intervention de la manière suivante : «(…) au Québec, le racisme existe» – le tout en nous invitant à faire une psychanalyse!

[…] Puis, bon dieu, est-il mal de vouloir protéger la langue française dans un des rares endroits du continent où on peut espérer vivre en français sans désavantage? Est-il anormal de vouloir protéger une culture qui apporte une couleur et une saveur différentes du reste de l’ Amérique du Nord ?

La défense du français n’est pas une agression, mais la réponse à une agression. Celle de l’anglais, qui gagne du terrain jour après jour dans toutes les régions du Québec. Le pourcentage actuel de locuteurs anglophones n’est peut-être pas alarmant, mais sa progression l’est assurément. Mais attention, le problème n’est pas l’anglais, mais notre démission face à notre langue commune et officielle. Notre tendance à ne pas mettre les balises linguistiques qui s’imposent, si facile est-il de s’aplatir face à la culture anglo-saxonne qui nous entoure.

Concernant Dead Obies, nous n’avons pas à leur imposer une responsabilité politique. Ce sont des créateurs – qui plus est que nous apprécions – et ces derniers doivent demeurer maître de leur choix. […] Les membres de Dead Obies n’ont ainsi pas à être les boucs émissaires de la situation du français, ils ne sont qu’un symptôme d’un glissement linguistique s’opérant. Si l’on souhaite faire avancer la cause du français, nous devrions bien davantage mettre nos énergies à exiger la francisation obligatoire des nouveaux Québécois, le retrait de l’anglais intensif imposé, de même que nous opposer au bilinguisme institutionnel.

C’est là, entre autres, que la bataille linguistique et culturelle se joue. Plus encore, nous sommes d’avis que la survie de notre langue et de notre culture devra passer par l’indépendance du Québec, ne serait-ce que parce que la Cour Suprême nous empêche de légiférer comme nous le voulons sur notre propre territoire (la loi 101 fût énormément charcutée par différents jugements), que nous n’avons présentement aucun contrôle sur les politiques linguistiques et leur application dans la fonction publique et parapublique fédérale, alors qu’on sait que cette dernière embauche plusieurs dizaines de milliers de personnes au Québec, puis, plus simplement, que la loi sur les langues officielles est de compétence fédérale. […]

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