Le pays, il n’est pas « à naître », il est à libérer !

Texte de Luc POTVIN publié dans Tribune libre de Vigile.net le 14 décembre 2011

DU BON USAGE DES MÉTAPHORES DANS TOUTE LUTTE DE LIBÉRATION NATIONALE

La véritable situation de notre nation, je n’en démordrai jamais, c’est celle d’une famille séquestrée dans sa propre maison par des bandits sans scrupules, rien d’autre et rien de moins !

Depuis des décennies, on entend souvent certains indépendantistes nous parler, non sans trémolos, du « pays à naître »… Non mais, franchement, quelle damnée expression dont le caractère puissamment cucul donne la pire des nausées !

Le pays, il n’est pas « à naître », que diable, il existe depuis quatre siècles. Et la lutte pour l’indépendance ne consiste donc pas à le « faire naître », ce pays, mais bien à le libérer, oui, le libérer de la domination des colonialistes qui l’occupent, le pillent et le défigurent depuis deux cents cinquante ans.

En parlant de « pays à naître » par-ci et de « pays à naître » par-là, on semble vouloir comparer notre nation à un enfant qui, à l’heure même de l’accouchement, resterait inexplicablement coincé dans le ventre de sa mère, laquelle, comble d’absurdité, serait anglaise. Voilà une image qui en rappelle une autre hélas toujours à la mode, celle du rejeton qui, bien que majeur depuis longtemps, a du mal à quitter ses parents, lesquels, eux aussi, comme la mère mythique de tout à l’heure, auraient, si j’ose dire, la tête carrée.

Misère ! C’est à se chercher un mur pour se péter le crâne dessus ! Se rend-on seulement compte que de telles images, en plus d’être archi-fausses et d’une insondable quétainerie, entretiennent notre mentalité de colonisé au lieu de la briser et de nous en purger ?

La véritable situation de notre nation, je n’en démordrai jamais, c’est celle d’une famille séquestrée dans sa propre maison par des bandits sans scrupules, rien d’autre et rien de moins !

Aussi conviendrait-il, désormais, de bien choisir nos métaphores. Parce que de mauvaises métaphores, ça prédispose bien mal l’esprit et le cœur au genre de lutte qu’il nous faut mener.

Je sais, je sais, tout ce faux symbolisme que je dénonce ici, c’est de bon cœur et avec les meilleures intentions du monde qu’on y a encore recours. Mais c’est exactement comme tous ces bons diables qui s’obstinent toujours à juger moins honteuse ou moins humiliante l’idée, tenez-vous bien, que nous ayons été cédés plutôt que conquis.

Oui, c’est bien vrai, le colonialisme, ça laisse des séquelles…

Luc Potvin

Verdun

Voir sur Vigile.net