Le Québec, une province comme les autres ?

La voie idéologique par Didier Calmels | Journal Le Patriote Janvier 2015

Le 7 avril dernier, une majorité de Québécois a non seulement élu un nouveau gouvernement à la tête du Québec, mais a aussi mis en place une idéologie. Celle du Canada d’abord. Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a choisi de suivre la voie idéologique et de couper avec la tradition de ses prédécesseurs, libéraux ou péquistes, qui ont toujours privilégié le Québec.

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Le Québec doit maintenant s’unifier avec l’ensemble du Canada et tous les ministres du gouvernement Couillard s’acharnent à enlever toutes aspérités qui dépassent, toutes les différences qui pourraient démarquer le Québec du reste du Canada. Tous les éléments qui distinguent les Québécois écopent. Pour le premier ministre Couillard, le Québec doit rentrer dans le rang, de là sa volonté de faire signer par le Québec la Constitution du Canada. Le Québec ne doit plus se considérer différent et vouloir s’établir en nation distincte ou même demander un statut particulier dans le Canada, non, il paraît évident que depuis son accession à la plus haute fonction de l’État québécois, M. Couillard fera tout en son pouvoir pour que le Québec devienne une province comme les autres.

Une astuce
L’astuce que le premier ministre Philippe Couillard a trouvée pour faire passer son idéologie du Canada d’abord, c’est l’austérité. En traçant un portrait sombre du Québec, pire qu’il ne l’est en réalité. En expliquant aux Québécois que la situation financière est excessivement sérieuse et qu’il faut imposer un remède de cheval, le premier ministre veut faire d’une pierre deux coups. Dissoudre puis ensuite refondre l’État québécois et aussi ramener le Québec à la hauteur des autres provinces de la grande nation canadienne. La politique d’austérité du gouvernement Couillard est une destruction du Québec moderne, c’est une attaque directe au modèle de société façonné depuis le Révolution tranquille. C’est un démantèlement de notre État social dans le but de remodeler le Québec pour qu’il puisse se fondre dans la masse anglocanadienne et ainsi devenir une province comme les autres.

Le premier geste de ce gouvernement fut de jeter à la poubelle le nouveau cours d’histoire au secondaire ainsi que celui prévu pour le niveau collégial. Le but est simple, soit de faire en sorte que nos différences historiques vis-à-vis le reste du Canada ne puissent pas être enseignées aux jeunes Québécois. Un geste qui démontre bien la volonté de s’effacer soi-même en ne permettant pas de perpétuer la mémoire des Québécois. Sans une connaissance adéquate de notre passé, sans la compréhension des batailles qui ont forgé notre nation, sans savoir quelles furent nos défaites et combien nos ancêtres ont peiné pour avoir des gains et bâtir le Québec moderne, nous n’avons plus d’outils, nous nous retrouvons démunis, sans aucun appui pour se référer. Il devient donc impossible de savoir pourquoi et comment le peuple québécois se démarque des autres provinces canadiennes. C’est ainsi plus facile de détruire et démanteler le Québec que nos parents ont construit.

Ressembler au Canada
Mû par cette idéologie du Canada d’abord, tout ce qui singularise le Québec est, pour le gouvernement de Philippe Couillard, une cible à abattre. C’est ainsi que tout y passe. Les délégations du Québec de Moscou, de Santiago et de Taipei passent à la moulinette idéologique de ce gouvernement libéral. La langue française écope aussi, lorsque le premier ministre du Québec affirme qu’on a un problème si on est rendus au point où il faut dire aux gens que le Québec est francophone et par le bilinguisme qui reçoit une promotion de l’État dans l’espace public ou qui devient la norme dans les services de santé. La guillotine est aussi tombée sur d’autres acquis du Québec, tels les CLD, la souveraineté alimentaire, les services de garde, les commissions scolaires puis notre réseau de santé.

L’idéologie pro-canadienne qui anime M. Couillard se retrouve de façon explicite dans la leçon que le premier ministre a donné aux Québécois concernant l’oléoduc de TransCanada. Face à une levée de boucliers dans l’opinion publique contre le passage de cet oléoduc, Philippe Couillard a affirmé qu’il fallait faire preuve de gratitude envers le Canada puisque notre province bénéficie de la péréquation. Ainsi pour le premier ministre du Québec, laisser passer le pétrole albertain sur le territoire québécois, c’est « participer à l’économie canadienne » et montrer que nous sommes redevables à la richesse qui provient de l’exploitation des hydrocarbures dans l’ouest du pays. En bref, accepter l’oléoduc sur notre territoire, c’est notre tribut à la grande nation canadienne.

Il faut aussi rappeler l’implication active de M. Philippe Couillard dans le Conseil de la fédération. Ma mission à moi, a-t-il déclaré en août dernier, c’est de faire progresser le Québec dans le Canada. Pour ce faire, M. Couillard tisse des alliances avec les autres provinces afin que le Québec et la Canada parlent d’une même voix. Le premier ministre du Québec n’a pas Sans mandathésité à aller en mission économique en Chine avec la première ministre ontarienne, Kathleen Wynne. Pourtant, la présence internationale du Québec est une des grandes réalisations de la Révolution tranquille. Tous les gouvernements québécois ont revendiqué le droit de parler de leur propre voix sur la scène internationale dans les champs de compétence du Québec. C’est un des symboles de notre affirmation nationale. Le premier ministre Couillard a encore une fois mis au rancart un des acquis du Québec. C’est clair, le Québec doit s’allier et ressembler au Canada.

Sans mandat
Il y a quelque chose de mille fois pire que la férocité des brutes, c’est la férocité des lâches. Le gouvernement Couillard, en ne présentant pas sa vision austère du Québec lors des dernières élections, a agi en lâche. Au printemps dernier, M. Couillard a été incapable de se lever franchement devant la population et de présenter dignement son plan de restructuration du Québec. Il nous a aussi caché sa volonté de faire ressembler le Québec aux autres provinces canadiennes.

Malgré tout, sans avoir eu le mandat clair pour remodeler l’État québécois, M. Couillard agit avec férocité et vigueur, sans état d’âme. Il n’écoute pas les avertissements et critiques. M. Couillard se comporte comme si lui seul avait raison. Une attitude peu commune au Québec, qui s’éloigne de notre tradition de consensus et se rapproche plutôt d’une conception quasi-dictatoriale du pouvoir de l’État. Le premier ministre fait comme si l’ensemble des Québécois était d’accord avec sa vision du Québec.

Résister
Il est vrai que l’attitude musclée, sournoise et autoritaire du gouvernement Couillard choque. Elle est déstabilisante et décontenançante. Mais elle ne doit pas nous intimider et nous paralyser pour autant. Au contraire, on devrait y voir une sorte d’électrochoc qui permettra un réveil collectif. Face à la destruction du Québec moderne et à la volonté de le réduire à une simple province canadienne comme les autres, il faut s’activer, se battre et résister. Refuser de voir le Québec sombrer dans la vision austère du gouvernement Couillard, c’est refuser de mettre à la poubelle tous les efforts et le travail faits par les Québécois depuis des décennies. C’est se montrer digne de notre passé tout en n’endossant pas le saccage, la détérioration et l’atrophie de notre nation. •••