Nouvelle politique linguistique: l’Office québécois de la langue franglaise

Robert Dutrisac  |  Le Devoir

 

En catimini, l’Office québécois de la langue française (OQLF) a adopté plus tôt cette année une nouvelle Politique d’emprunts linguistiques tranchant avec celles qui guidaient l’organisme. Pour la confection de son Grand Dictionnaire terminologique, l’OQLF a assoupli ses critères visant l’adoption d’emprunts à d’autres langues que le français, emprunts qui, pour la grande majorité, sont des anglicismes.

 

Dès sa création en 1961, l’Office de la langue française — c’était le nom de l’OQLF jusqu’en 2002 — s’est vu confier la mission de veiller à « la correction et à l’enrichissement de la langue française parlée et écrite », une mission qui fut reprise intégralement dans la Charte de la langue française en 1977. L’organisme s’est engagé dans une vaste entreprise de francisation des termes employés au travail et dans le commerce, une tâche titanesque compte tenu de la domination de l’anglais dans maintes sphères d’activités au Québec. Grâce à son Grand Dictionnaire terminologique, il a favorisé l’usage du français dans les domaines de l’automobile et de l’aéronautique, de la bureautique et de l’informatique, de la gestion et de la comptabilité, pour ne nommer que ceux-là, tout en servant de référence pour l’affichage commercial de toute nature.

 

Jusqu’à tout récemment, l’OQLF condamnait les anglicismes et favorisait l’emploi exclusif de termes français. Ce n’est qu’exceptionnellement que l’organisme se résignait à l’emploi de termes anglais. L’approche de l’OQLF était fondamentalement normative et non pas descriptive, quitte à tenir peu compte de l’usage courant, qui, rappelons-le, faisait, à l’origine, la part belle aux emprunts à l’anglais.

 

Certes, l’OQLF a quelquefois forcé la note avec des traductions inventives. On pense à ce « coup d’écrasement » pour remplacer le mot smash. En revanche, de nombreux termes proposés par l’organisme se sont répandus.

 

Voulant adoucir son image d’ayatollah de la langue, l’OQLF ouvre la porte, avec sa nouvelle politique, à l’acceptation d’anglicismes dans la mesure où ils sont « non récents », généralisés et « légitimés », des critères pour le moins discutables, voire nébuleux. Affaiblissant sa fonction normative, il veut exercer un rôle de description de l’usage, comme le font les linguistes et les lexicographes.

 

Contrairement à la France qui se complaît à adopter des mots anglais, le Québec a une longue tradition de résistance aux anglicismes. Avec sa nouvelle politique, l’OQLF s’engage sur une pente savonneuse alors qu’on assiste, au Québec comme ailleurs, à une vague d’anglicisation.

 

 

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