Quel avenir pour la Catalogne?

 

Denis Monière

Chroniques catalanes-22:

 

 

Après le discours du président catalan, Carlos Puigdemont, prononcé neuf jours après le référendum, l’avenir semble moins certain que le soir du 1er octobre. Le Président a célébré le courage et la détermination du peuple catalan, il a dénoncé les violences de l’État espagnol, il s’est réclamé des vertus démocratiques, il a réaffirmé sa volonté de faire de la Catalogne un État indépendant mais il a annoncé du même souffle qu’il suspendait le processus d’accession à l’indépendance. Il a en quelle que sorte annoncé unilatéralement un cessez-le-feu en lançant un appel pour que cesse l’escalade et pour instaurer un climat de dialogue avec l’Espagne. Il a cédé aux sirènes de la dernière chance. Ce faisant, il concédait que Madrid avait gagné le bras de fer.

Faire appel à la médiation et au dialogue est un aveu de faiblesse et Madrid ne cédera pas parce que cela signifierait que le gouvernement espagnol reconnaît l’existence du peuple catalan et de son droit à l’autodétermination. L’intransigeance sur ces questions a été jusqu’à présent la politique du gouvernement espagnol et il n’y a rien qui puisse l’inciter à changer son point de vue. Seule l’Europe pourrait débloquer la situation, mais les États européens ont été complices et solidaires de l’État espagnol jusqu’à présent en prétextant qu’ils n’ont pas intérêt à s’ingérer dans les affaires de l’Espagne. L’Europe ne fera pas pression pour établir le dialogue car cela signifierait reconnaître la démarche d’autodétermination de la Catalogne.

Le discours de Puigdemont confirme la logique du « chicken game » qui est un classique de la théorie des jeux. Il est d’ailleurs étonnant que le gouvernement catalan ne tienne pas compte de cette théorie qui prédit que dans une situation de confrontation, il n’y a que la fermeté qui mène au succès et que la tergiversation et l’attentisme conduisent à l’échec. En restant ferme sur ses positions, le gouvernement espagnol exacerbera les contradictions et les conflits au sein de la coalition gouvernementale. A quoi finalement aura servi ce référendum se diront certains indépendantistes? Les militants seront déçus de voir leur immense mobilisation réduite à un moyen de pression pour ouvrir des négociations avec Madrid. On est bien placé pour le savoir au Québec; après l’échec d’un référendum, les déceptions et les dissensions internes se manifestent et affaiblissent le mouvement en conséquence.

Le président catalan a commis une autre erreur stratégique en suspendant la déclaration d’indépendance sans mettre d’échéance, sans fixer de délai précis pour obtenir une réponse de Madrid ou des médiateurs internationaux qu’il n’a d’ailleurs pas identifiés, sauf un ancien secrétaire des Nations-Unies. Il se condamne ainsi à l’attentisme et à l’impuissance car cette déclaration pourrait bien rester suspendue indéfiniment. Cet absence d’horizon et l’incertitude qui en résulte risquent aussi de miner la détermination des Catalans. Et si d’aventure Madrid ouvrait la porte à une révision du statut de la Catalogne, c’est l’État espagnol qui imposera ses conditions et la Catalogne devra faire des concessions au détriment du projet d’indépendance.

Le cas catalan est révélateur de la fragilité du référendum comme moyen de changement de statut politique pour un peuple. Madrid a fait la preuve que la volonté d’un peuple peut être entravée par la raison de l’État tutélaire. Le gouvernement catalan aurait du suivre sa feuille de route initiale et ne pas utiliser le référendum pour amorcer le processus d’accès à l’indépendance mais uniquement pour le conclure. Le président catalan garde toutefois une carte dans sa manche qu’il pourra mettre en jeu si l’Espagne fait la sourde oreille. Déclencher au moment de son choix une élection référendaire qui posera clairement l’enjeu de l’indépendance. Il sera plus difficile à l’État espagnol; de perturber un processus électoral qu’un processus référendaire et le gouvernement espagnol devra s’il veut aller au bout de sa logique du refus interdire les élections ce qui forcerait sans doute l’intervention de l’Europe.