Réaction à l’étude du Conseil supérieur de la langue française «Le Québec échoue à faire du français la véritable langue publique commune»

LETTRE OUVERTE | 09/12/2014

Statue de Camille Laurin

Les résultats de l’étude publiée lundi par le Conseil supérieur de la langue française (CSLF) au sujet de l’usage du français dans la sphère publique au Québec ont de quoi inquiéter. Ils démontrent que nous n’avons pas réussi collectivement à faire du français la langue publique commune de tous les Québécois, peu importe leurs origines.

Si l’anglais se révèle clairement la langue publique commune au Canada anglais, la langue française est loin d’avoir atteint pareil statut au Québec.

Contrairement par exemple à la France où les institutions publiques fonctionnent uniquement en français, ce qui incite les allophones à adopter cette langue pour vivre et s’épanouir dans la société, les institutions publiques du Québec, un État «officiellement français», se bilinguisent de plus en plus, cela aux frais des contribuables. Ainsi, par sa propre faute, le Québec se complique la tâche d’intégrer et de franciser les allophones qui, s’ils le souhaitent, peuvent en tout temps interagir en anglais avec le gouvernement.

Le signal qu’on envoie, c’est qu’il n’est pas nécessairement utile d’adopter le français comme langue d’usage et qu’il est possible de faire sa vie ici en se contentant de parler anglais!

On sait que 95% de l’ensemble des Québécois affirment connaître le français. Toutefois, les allophones sont trop peu nombreux à parler cette langue en public et au travail. En effet, l’étude du CSLF démontre que les allophones «francotropes», c’est-à-dire ceux qui tendent à adopter plus facilement la langue française, ne sont que 77% à l’utiliser en public. Au travail, l’usage du français recule à 70% dans ce groupe.

Mais c’est bien pire encore dans le cas des allophones «non-francotropes», catégorie dont on a précisément la responsabilité de franciser. Seuls 40% d’entre eux parlent généralement le français en public et 44% ont adopté l’anglais. Au travail, seuls 34% parlent français alors que 48% gagnent leur vie en anglais, soit près de la moitié. En-dehors du monde du travail, toujours chez les non-francotropes, la donnée la plus significative concernant l’usage de l’anglais concerne les sphères d’interaction avec le gouvernement où l’anglais se situe à 50% dans la fréquentation scolaire, 41% en CLSC, 51% dans les hôpitaux, 50% dans les communications orales et 63% dans les communications écrites avec le gouvernement.

N’ajustez pas vos verres, vous avez bien lu! Et l’indicateur employé est bel et bien celui de la langue d’usage en public, c’est-à-dire à l’extérieur du foyer familial, plutôt que le critère plus usuel de la «langue parlée à la maison».

Les données de cette étude nous prouvent que le français comme langue d’usage public est essentiellement l’affaire des francophones (91%), particulièrement ceux qui vivent en-dehors de Montréal. Encore une fois, l’objectif visé par la Charte de la langue française qui consiste à faire du français la langue commune de tous les Québécois (et non seulement des francophones) n’est résolument pas atteint.

Les chiffres alarmants contenus dans l’étude du CSLF s’ajoutent aux nombreux autres travaux qui démontrent le processus d’anglicisation au Québec (voir tableau 1). D’après les données du dernier recensement, les francophones de langue maternelle sont maintenant minoritaires à 48,7% sur l’île de Montréal (ils étaient 53,4% en 1996), alors que le français, langue d’usage, se situe à seulement 53%, alors que l’anglais, langue d’usage, s’élève à 25,3%. Rappelons que les anglophones de langue maternelle au Québec ne forment que 8,3% de la population… La langue anglaise jouit d’une force d’attraction passablement plus vigoureuse que le français. Les projections de l’Office québécois de la langue française démontrent que le nombre de francophones de langue d’usage au Québec passera de 81,2% en 2011 à 70-75% en 2056 (voir graphique 1).

Le Québec doit inverser la tendance en commençant d’abord par assurer le caractère français de ses institutions publiques et cesser de financer sa propre anglicisation!

 

Maxime Laporte, avocat, président général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
Christian B. Rivard, président intérimaire du Mouvement Québec français

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TABLEAU 1