Une autre occasion manquée

Martin Francoeur | Le Nouvelliste

 

(Trois-Rivières)  Heureusement qu’il y a eu ces quelques cérémonies modestes et quelques expositions pour souligner le cinquantième anniversaire du passage du général de Gaulle dans la région, le 24 juillet 1967. À Trois-Rivières, les autorités municipales n’ont toujours pas trouvé le moyen de faire entrer cet événement marquant dans la toponymie de la ville. Et c’est certainement une lacune.

Le cinquantième anniversaire de la visite de Charles de Gaulle en Mauricie aurait pu être une belle occasion d’attribuer le nom du général à un parc ou à une rue, histoire de se souvenir de cet événement marquant de façon permanente, pas seulement lors des gros anniversaires. Des chefs d’État étrangers qui passent dans la région et qui y prononcent des discours, ça ne se voit pas souvent et ça mérite de passer à l’histoire.

On fait grand état, ces jours-ci dans les médias, de cette visite marquante du général de Gaulle. On peut voir des images d’archives nous montrant ce grand homme – dans les deux sens du terme – accueilli par des foules impressionnantes lors de son voyage sur le Chemin du Roy, entre Québec et Montréal. La Mauricie est privilégiée: trois de ses chefs-lieux auront eu droit à une escale du président français.

Plusieurs historiens s’entendent sur le fait que les discours prononcés par Charles de Gaulle lors de ses arrêts à Sainte-Anne-de-la-Pérade, Trois-Rivières et Louiseville, abordaient en sourdine mais en crescendo la question de l’indépendance.

On a surtout retenu du général de Gaulle son fracassant «Vive le Québec libre!», prononcé depuis le balcon de l’hôtel de ville de Montréal. Mais les propos qu’il avait tenus à Trois-Rivières, lors de son arrêt au Séminaire Saint-Joseph, étaient peut-être encore plus explicites.

«Nous sommes maintenant à l’époque où le Québec, le Canada français, devient maître de lui-même. C’est le génie de notre temps, c’est l’esprit de notre temps que chaque peuple où qu’il soit et quel qu’il soit, doit disposer de lui-même», avait-il alors déclaré à la foule évaluée entre 5000 et 10 000 personnes selon les sources.

Si c’est à Montréal que s’est synthétisée la pensée du général de Gaulle, on peut penser que c’est peut-être à Trois-Rivières qu’elle s’était consolidée.

On comprend mal pourquoi le personnage n’a toujours pas eu droit à un hommage concret dans la capitale régionale. Même à Sainte-Anne-de-la-Pérade, on avait jugé approprié de commémorer l’événement par une plaque installée à l’hôtel de ville. Discrète, mais au moins on rappelait cette prestigieuse visite.

À Trois-Rivières, rien. Malheureusement, on a parfois tendance à n’être réactifs qu’aux événements contemporains. On n’a pas trop hésité à trouver un parc pour honorer Robert Bourassa et encore moins pour Jean Béliveau. Pourquoi n’a-t-on pas eu le même réflexe pour Charles de Gaulle ou pour le pape Jean-Paul II? Après tout, il s’agit probablement des visiteurs les plus importants qui sont débarqués à Trois-Rivières au cours du dernier siècle, avec la reine Élisabeth II en 1959 et son père George VI vingt ans auparavant.

Lors du passage à Trois-Rivières de la souveraine actuelle, le journaliste du Nouvelliste qui couvrait l’événement avait écrit que «la cité de Trois-Rivières a vécu […] des moments inoubliables, une journée qui s’inscrira en lettres d’or dans son histoire.» Il semble pourtant bien difficile de rendre concrète cette inscription en lettres d’or. Exactement comme pour le passage du général de Gaulle.

À Québec, on lui a érigé une statue. À Montréal, une plaque à l’hôtel de ville commémore son passage. Entre Terrebonne et Montréal, un pont majeur de l’autoroute 40 porte son nom. Des rues de Lévis, Saguenay, Sainte-Julie, Vaudreuil-Dorion et Châteauguay honorent sa mémoire, alors qu’il n’a jamais mis le pied dans ces villes.

Il est grand temps qu’un comité de toponymie reprenne du service à Trois-Rivières.

 

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