Une Fête des neiges sans bon sens

Par Éric Bouchard, dans La Presse et Le Devoir, le 6 février 2014

La fête des neiges est-elle adaptée pour les enfants?
La fête des neiges est-elle adaptée pour les enfants?

Dimanche dernier nous étions parmi les premiers arrivés à 10h pour fêter en famille l’hiver québécois à Montréal. À notre sortie du métro, nous sommes accueillis par des animateurs de foule déguisés pour le plaisir de nos tout petits. L’animation est dans un genre de bilingue avec un accent franchouillard. Bienvenue à Montréal/Welcome in Montreal, Bonjour/Hi! On se croyait dans une boutique de la rue Sainte-Catherine. Les oreilles me frisent, mais je me dis que je dois faire preuve d’ouverture d’esprit, car il faut bien faire plaisir aux touristes et à tous ces immigrants qui ne comprennent pas le français. C’est la fête pour tous, pas juste celle des francophones!

Dix minutes plus tard, nous arrivons au centre du site où se trouvent la billetterie, la grande roue, la tyrolienne familiale et les glissades. Je peine à entendre le préposé à la billetterie, car la musique du site est d’une puissance digne des partys raves et des concerts rock auxquels j’ai assisté à une époque pas si lointaine. Où sont les chansons pour enfants chantées à des décibels acceptables pour des petits? Pas de comptines de Gilles Vigneault, de Carmen Campagne ou de Shilvi, ni de musique de Casse-Noisette pour nos petits! Que du boum boum!

Je me dis que CKOI ou NRJ doivent être les commanditaires de l’événement et qu’il est normal que cette musique joue. Encore une fois, je me répète que je dois être ouvert d’esprit et qu’il est normal qu’un commanditaire impose sa musique si ce dernier finance un événement qui donne à Montréal un rayonnement international, qui est bon pour l’économie et qui réunit les Montréalais de toutes origines. Cependant, au bout de 20 minutes, je m’aperçois qu’aucune chanson en français n’a été jouée et que toute cette musique festive provient des ondes de 92,5 The beat of Montreal, car je finis par entendre l’animateur et les publicités en anglais de la station de radio. Exit Marie-Mai, Valérie Carpentier, Cœur de Pirate, Alex Nevzky, Les Trois Accords et plusieurs autres artistes francophones! Pire, on se fait imposer de l’animation radiophonique unilingue anglaise à Montréal. Ce sera ainsi jusqu’à 13h30, heure de mon départ. Personne de la direction ne viendra corriger le tir. Tout semble se passer normalement.

Je parle trois langues et en comprends une quatrième. Je suis pour une diversité musicale où il y une place pour la musique anglophone. Je suis surtout un francophone qui a voyagé beaucoup, qui est du 21e siècle et qui croit dans la diversité culturelle et linguistique du monde. À mes yeux, l’uniformisation et la fermeture vers une culture musicale unique font montre d’une Walt Disneysation de la Fête des neiges par la direction et les membres du conseil d’administration de la Société du Parc Jean-Drapeau. Ces grands décideurs payés substantiellement avec nos impôts semblent être tous francophones si on se fie au site web de la Société. On ne peut donc pas dire qu’ils ignorent l’importance de donner un visage français à cette fête où des milliers d’immigrants participent. Pour ces derniers, le message qui leur est envoyé est que lorsqu’on veut avoir du plaisir et festoyer, c’est en anglais! Idem pour nos enfants. Le français, c’est folklorique!

Mais cette fête, pour qui est-elle? Les touristes, les anglophones de Montréal et les allophones qui ne comprennent pas le français, la jeunesse qui aiment depuis toujours les succès musicaux américains? Il est temps d’ouvrir tout ce beau monde à une culture musicale riche et internationale, mais, pour cela, il faudrait leur en donner l’occasion. Stromae, les Cowboys Fringants et Marie-Mai remplissent le Centre Bell tout autant que Bruno Mars ou Blurred Lines.

Avant même la question linguistique, cette fête n’est-elle pas pour les enfants? Je doute qu’ils ne soient le public cible du 92,5 The beat of Montreal ou de CKOI. Quel est le sens de cette fête? J’en suis ressorti avec la désagréable sensation que pour la Société il faille faire de l’animation à tout rompre sans but précis, sans quoi, les clients pourraient s’ennuyer et quitter pour un autre lieu festif concurrent qui n’a pas de bon sens!

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