TANIA LONGPRÉ – tanialongpre.com – 2 mai 2014
Hier, dans la Presse, le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau se disait prêt à envisager que Montréal puisse assumer l’intégration des immigrants. Plus de 50 000 personnes choisissent de s’établir au Québec chaque année, 85 % de ces gens s’établissent à Montréal. Moreau disait que « Montréal, de facto, joue un rôle dans l’accueil des personnes issues de l’immigration. » Première bourbe du nouveau ministre : on ne peut pas « qu’accueillir » les immigrants, il faut que nous les intégrions : linguistiquement, culturellement et économiquement. « Montréaliser » l’intégration des immigrants est une mauvaise idée. Est-ce que Moreau veut que les nouveaux arrivants développent un sentiment d’appartenance à Montréal plutôt qu’au Québec et qu’ils y construisent leurs nouvelles racines ? Est-ce qu’on souhaite se dissocier, presque avec mépris, de ce que représente le « Reste du Québec» où vivent supposément des bigots intolérants dont nos élites ont honte, qui serait moins ouvert à l’immigration et vanter la cosmopolite Montréal, où ne vivent que des citoyens du monde amicaux, seul endroit à offrir une qualité de vie au Québec ? C’est ridicule. L’objectif devrait être d’informer les immigrants des possibilités présentes à Montréal et à l’extérieur de la ville et d’offrir des outils aux nouveaux arrivants afin qu’ils puissent s’établir là où bon leur semble. Il ne faut pas qu’on instaure à Montréal une réalité migratoire encore plus axée sur le communautarisme et encore plus coupée du « Reste du Québec. »
L’avenir de l’intégration des immigrants ne réside pas dans le repli communautaire, mais dans l’ouverture à l’autre. Évidemment, si l’un et l’autre ne sont pas en contact, il sera difficile pour le nouvel arrivant de s’intégrer. C’est pour cela que l’intégration des immigrants ne devrait pas être reléguée strictement aux communautés et aux organismes montréalais. En effet, isolés dans certains quartiers, quel genre de contacts interculturels vivent les immigrants ? Souvent, je suis la « première amie » québécoise en tant qu’enseignante en francisation, parce qu’ils ne côtoient pas de Québécois dans leur quotidien. Pourtant, pour s’intégrer, il doit y avoir la volonté de se joindre à un peuple, de faire partie d’une société, bien souvent inexistante dans quelques secteurs de la métropole. J’ai travaillé dans tous les quartiers migratoires de la métropole et j’ai pu constater les réalités dans lesquelles vivent mes étudiants, qui ne ressemblent en rien à ce qu’ils vivraient dans un quartier francophone, en banlieue ou en région. D’ailleurs, au sujet de l’apprentissage du français, les études démontrent que lorsque le quartier est francophone, cela incite les immigrants à apprendre le français. Effectivement, les nouveaux arrivants allophones résidant dans les quartiers où le français domine apprendront davantage le français que dans les quartiers où l’anglais domine. Quant aux lieux de résidences qui comptent moins de 30 % de francophones, ils entraînent une nette anglicisation des immigrants. Dans les quartiers où ni le français ou l’anglais ne dominent, l’anglais est favorisé comme langue d’utilisation publique. Faire de l’intégration des immigrants un dossier « Montréalais » plutôt que québécois pourrait donc faire en sorte que la langue d’inclusion et d’intégration serait au choix de l’immigrant, selon son milieu de vie. Que 85 % des immigrants s’installent à Montréal devrait être matière à réflexion : est-ce que c’est Montréal ou le Québec qui reçoit les immigrants ? […]
Lorsque je songe à Boucar Diouf, à Kim Thuy, à Ulric Chérubin, le maire d’Amos, ou même à ma mère, qui a grandi à Repentigny alors qu’elle est née en Italie, je ne peux pas les imaginer « autres » que Québécois. Ils sont la preuve que le succès de l’intégration des immigrants passe par la régionalisation, et par le contact interculturel entre les nouveaux arrivants et les Québécois. Ne manque toutefois que la volonté politique de la part de nos gestionnaires à réellement encourager et faciliter l’arrivée d’immigrants sur l’ensemble du territoire québécois. Toutes les régions gagneraient à être adoptées par nos nouveaux arrivants afin qu’ils y deviennent Québécois, et non pas seulement des « Montréalais » par résidence géographique, sans aucun attachement à leur nouveau chez soi, ne se sentant jamais intégrés au Québec. Ça, c’est une vraie «affaire» sur laquelle le gouvernement devrait (enfin) se pencher.
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