TANIA LONGPRÉ | LE JOURNAL DE MONTRÉAL | 16/11/2014
L’institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) publiait la semaine dernière une étude sur le français dans les services de santé et de services sociaux du Québec. Les conclusions de cette étude n’étaient pas réjouissantes : on y comprenait que l’État utilise des fonds fédéraux, menant à la bilinguisation des services, faisant en sorte que l’anglais se positionne en concurrence au français. Entendons-nous : il n’est pas question de refuser à qui que ce soit l’accessibilité au service de santé, mais il ne serait pas trop demandé à l’État de faire en sorte que le français soit plus prédominant au sein de celui-ci.
Je comprends que la communauté anglo-québécoise ait droit aux services de santé dans leur langue – et je ne suis pas contre ! —, mais qu’en est-il des nouveaux arrivants ? L’objectif, n’est-ce pas de les intégrer à la majorité francophone ?
Les néo-québécois, issus de l’immigration seront-ils prêts à faire les efforts nécessaires à l’apprentissage du français si la connaissance de l’anglais est suffisante partout dans l’appareil de l’État ? Évidemment, c’est une motivation de moins à apprendre la langue de la majorité s’ils n’y voient pas de nécessité, si celle-ci ne comble pas un besoin. Le français est malheureusement déjà en compétition avec l’anglais sur l’île de Montréal où s’établit la majorité de notre immigration.
En ne donnant pas au français la position de langue prédominante dans le système de santé – et partout ailleurs dans l’appareil de l’État —, on en fait, pour le nouvel arrivant, pratiquement un aspect culturel folklorique pour le nouvel arrivant. Lorsqu’on décide d’entreprendre un processus de francisation, c’est parce qu’on pense que l’apprentissage de cette langue nous donnera des opportunités, aidera à notre intégration, aidera à dénicher un travail ou favorisera la création d’un cercle social avec des natifs et même des relations d’amitié. On doit savoir qu’elle nous sera utile, qu’elle nous donnera des opportunités. Communiquer avec l’État est aussi une source de motivation supplémentaire.
La langue des institutions est primordiale. Si les immigrants doivent maîtriser la langue pour leurs relations avec l’État, par exemple pour remplir des formulaires administratifs, rencontrer un travailleur social, ou communiquer avec un fonctionnaire, cela sera une autre source de motivation à apprendre le français. Par contre, de plus en plus, ces interactions peuvent avoir lieu en anglais, ce qui n’aide pas à faire en sorte que les nouveaux arrivants décident d’acquérir cette langue et de s’intégrer à la majorité francophone. Plus le Québec projettera l’image d’une société francophone qui fonctionne en français, plus les nouveaux arrivants seront nombreux à choisir le français. Plus l’État se « bilinguisera », plus le Québec aura de la difficulté à faire en sorte que ses immigrants s’orientent vers le français. Les recherches démontrent que la langue la plus souvent utilisée en public aura un impact fort considérable dans le choix de la « langue préférée » à long terme. Quels seront les facteurs qui feront en sorte que le français soit la « langue préférée » si sa connaissance ne donne pas d’avantages ?
Il est du devoir de l’État de faire en sorte que le français soit attrayant, qu’il soit utile au nouvel arrivant. À l’ère de la mondialisation, c’est entre autres le choix que feront – ou pas — les nouveaux arrivants à apprendre le français qui assurera la pérennité du français à Montréal. Depuis plusieurs années – et l’étude de l’IREC en ajoute une couche — je me rends compte, comme intervenante en première ligne de la francisation des immigrants que nos élites prennent la situation à la légère
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