CBC vient de récidiver! Après avoir démontré à l’été 2013 son ignorance du trésor existant d’albums de langue française au Québec et dans les zones francophones limitrophes, ne réservant aux offrandes francophones que quatre des 100 premières positions (Les chemins de verre de Karkwa, L’heptade d’Harmonium, Quatre saisons dans le désordre de Daniel Bélanger et Starmania), voilà qu’un panel de CBC ne retient cette année que cinq titres de langue française dans son choix des 100 meilleures chansons «canadiennes» (Canadian, plutôt…) de tous les temps…
La liste de 2014, rendue publique le 30 juin, comprend les cinq chansons françaises suivantes: Les chemins de verre, de Karkwa; Place de la république, de Coeur de Pirate; J’ai rencontré l’homme de ma vie, de Diane Dufresne; Pour un instant, d’Harmonium; et Un Canadien errant. Sans pour autant remettre en question la valeur de ces cinq sélections, une question saute à l’esprit: mais d’où sortent les membres du panel de CBC et dans quel univers musical vivent-ils? Certainement pas du paysage musical canadien (si «canadien» inclut effectivement pour eux les zones fleurdelisées du beau et grand bilingue pays…).
[…] Mais elles [chansons françaises] restent largement inconnues au Canada anglais, semble-t-il, ce Canada anglais qui s’identifie si souvent comme le Canada tout entier. Je ne tiens pas à voir la musique québécoise, acadienne ou canadienne-française incluse dans les choix de CBC. De toute façon, notre musique a son identité propre. Elle est, essentiellement, québécoise ou gravite autour du Québec depuis les années 1960. Ce à quoi je m’objecte, c’est qu’un média aussi prestigieux que CBC puisse se croire compétent à évaluer nos offrandes musicales quand, de toute évidence, il en ignore l’essence… Le diffuseur anglo-canadien aurait dû avoir la décence de présenter son palmarès comme étant celui des 100 meilleurs chansons canadiennes-anglaises de l’histoire…
La plupart des amateurs de musique pourraient, comme moi, choisir une vingtaine ou une trentaine de classiques de langue française capables de concurrencer la sélection de CBC. Et ça prouverait quoi? Même si ce genre d’évaluation comporte une grande part de subjectivité, cela servirait tout au moins à montrer que notre musique existe, qu’elle nous ressemble (alors que les chansons anglo-canadiennes, le plus souvent, s’intègrent sans heurt à celles du meeting pot états-unien…) et que ses accents largement québécois ne l’empêchent pas d’avoir une valeur universelle (sauf, apparemment, au Canada anglais).
[…] La morale de cette histoire? CBC devrait s’en tenir aux oeuvres musicales «Canadian» de langue anglaise, et cesser de nous insulter avec une participation francophone symbolique à des palmarès qui n’ont de pan-canadien que le nom…
Pierre Allard est rédacteur et journaliste.
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