Face à Spotify et compagnie, l’ADISQ lance un appel à l’aide

Philippe Papineau |  Le Devoir

 

D’actuels et d’anciens dirigeants de l’ADISQ se sont réunis mardi soir pour réfléchir sur les défis propres à l’avenir. De gauche à droite : Jacques K. Primeau, Michel Sabourin, Philippe Archam-bault, Solange Drouin, Yves-François Blan-chet, Guy Latra-verse, Pierre Rodrigue, André Ménard et Paul Dupont-Hébert. – Photo: Valérian Mazataud

Dans une lettre commune publiée mardi, le président actuel de l’ADISQ et 13 de ses prédécesseurs ont lancé un appel aux différents paliers de gouvernement pour que « les nouveaux intermédiaires » du monde de la musique, comme les plateformes de diffusion en ligne, soient mieux encadrés et qu’ils n’assèchent pas les ressources des artistes et des producteurs québécois.

Aux yeux de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), qui fêtera dimanche ses 40 ans lors de son gala annuel, le modèle des joueurs comme Spotify, YouTube et Apple Music est « fabuleux pour les mélomanes », mais « pose des défis sans précédents à tous les créateurs et producteurs de contenus. »

D’autant, précisent les signataires dont font partie Guy Latraverse, André Ménard, Jacques K. Primeau et l’actuel président Philippe Archambault, que « les nouveaux intermédiaires » qui ont le pouvoir de faire entendre la musique québécoise « sont étrangers ». « Ils échappent aux lois et règles que nous avons adoptées pour assurer la vitalité de notre culture, dit la lettre. Ils oeuvrent dans une grande opacité. Ils nous connaissent mal. Et comme il est arrivé il y a 40 ans, ils pourraient conclure que nous sommes un petit marché, bien singulier, qui ne mérite pas une attention particulière. »

Les signataires rappellent qu’à la fin des années 1970, les multinationales américaines ont quitté le marché québécois car il était jugé trop petit.

 

Effort collectif

En entrevue au Devoir en amont d’une rencontre avec la presse, l’actuel président de l’ADISQ Philippe Archambault précise que la missive est « un appel à tous les décideurs, à toutes les institutions, et au public québécois pour dire de faire attention. Si vous voulez continuer à avoir cette musique-là disponible, il faut s’y mettre tout le monde ensemble. »

Philippe Archambault, aussi directeur général de l’étiquette Audiogram, raconte l’anecdote d’un groupe de rap allemand qui travaille en anglais, et dont le souhait le plus cher est d’être ajouté dans la très populaire liste de lecture de Spotify « RapCaviar » dans le but d’être écouté… en Allemagne.

La lettre félicite d’une part Ottawa d’avoir tenu son bout dans les récentes discussions sur le libre-échange, qui ont permis de maintenir l’exemption culturelle dans le traité final. Mais les anciens présidents de l’ADISQ estiment que le fédéral ne doit pas s’arrêter là.

« Perdre cet acquis aurait été dramatique. Mais l’avoir conservé sans poser, maintenant et ici, les gestes politiques forts nécessaires pour permettre aux créateurs et producteurs de contenus de revenir à un marché équilibré et équitable serait inconséquent et irresponsable. »

 

Poursuivre la révision

Les quatorze présidents estiment donc que la révision déjà entamée de trois lois — celle sur le droit d’auteur, sur la radiodiffusion et sur les télécommunications — est cruciale, et que le gouvernement Trudeau devra poser des gestes qui « demandent du courage politique ».

Au coeur de ces réformes, « il y a toute la question des redevances, des sommes versées aux créateurs et aux producteurs de contenus par les plateformes », mais aussi l’enjeu des quotas de musique francophone à la radio commerciale et le rôle potentiel des fournisseurs d’accès Internet dans le financement de la musique. « Il faut savoir comment peuvent-ils participer à la valorisation de cette industrie-là, en redonnant un peu d’argent dans la création », dit M. Archambault.

Le public québécois est aussi interpellé par les présidents de l’ADISQ, qui lui demande de se faire entendre sur ce sujet. « Le courage des politiciens en dépend. »

Les mélomanes sont donc invités à écouter la musique d’ici sur les plateformes numériques, qui carburent aux données. « Il faut adopter de nouvelles façons de consommer qui vont se refléter dans les algorithmes, dit Philippe Archambault. Plus une chanson est écoutée, plus elle va être placée dans des listes de lecture, plus elle va avoir une portée, une exposition sur la plateforme. Ils poussent ce qui est écouté. »

Alain Paré, Michel Gélinas, Denys Bergeron, Michel Sabourin, Rosaire Archambault, Pierre Rodrigue, Michel Bélanger, Yves-François Blanchet, Paul Dupont-Hébert et Claude Larivée sont les autres signataires de la lettre. Sauf erreur, tous les anciens présidents de l’ADISQ encore en vie y ont donné leur appui.

La musique, « c’est beaucoup d’emplois, de retombées économiques et culturelles, résume au Devoir M. Archambault. On produit de la musique, du spectacle, mais on produit notre identité et notre bagage culturel. Ce n’est pas juste une business. Ça vient toucher la fibre québécoise. »

 

 

 

 

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