Justine Mercier | Le Droit
L’Université McGill a publié sur YouTube, au cours des dernières semaines, une vidéo visant à recruter des étudiants pour le « Campus Outaouais », qui doit accueillir une première cohorte de 24 étudiants en médecine en septembre 2020.
Tout en vantant la formation qui y sera offerte et les divers attraits de la région, McGill évoque une « expérience d’apprentissage immersive et hautement personnalisée, en français » dans la future faculté satellite, qui sera installée au-dessus de l’urgence de l’Hôpital de Gatineau.
À la fin de la vidéo, l’établissement souligne toutefois que son « programme préparatoire en médecine pour étudiants du cégep […] se déroule à Montréal ».
« À l’admission, les étudiants choisiront de poursuivre le programme [de médecine] pour leurs quatre années d’études en Outaouais ou à Montréal », est-il aussi précisé.
En se rendant sur le lien Internet inscrit dans la vidéo, on apprend que ce programme préparatoire — obligatoire pour tous les candidats qui sortent du cégep — est seulement « offert en anglais », à Montréal, par la faculté des sciences de l’Université McGill.
Ce programme inclut entre autres « des cours obligatoires en biologie moléculaire, biologie cellulaire et métabolisme ». Il « permet aux candidats cégépiens d’être préparés pour cheminer avec des étudiants possédant déjà un baccalauréat », a indiqué dans une réponse écrite au Droit le Dr David Eidelman, doyen de la faculté de médecine de McGill.
Les étudiants qui suivent cette formation préparatoire « peuvent remettre leurs travaux et leurs examens en français », a fait savoir le Dr Eidelman, en précisant que la cohorte de ce programme est habituellement composée d’environ 50% d’étudiants francophones.
Le doyen de la faculté de médecine de McGill estime que l’offre d’un programme préparatoire de sciences en Outaouais « serait un atout », mais que cela nécessiterait « des investissements, des infrastructures et des ressources supplémentaires ».
Le programme préparatoire n’est pas la seule avenue pour étudier en médecine à McGill, mais environ 40% des candidats admis passent par cette étape réservée aux cégépiens. Les candidats détenant déjà une formation universitaire ont accès à environ la moitié des places pour la formation médicale et n’ont pas besoin de l’année préparatoire. Une quinzaine d’autres places sont réservées pour des candidats ayant un parcours différent (non-traditionnel, études à l’étranger, etc.).
Le Dr Eidelman a indiqué que « la première cohorte de 24 étudiants au Campus Outaouais sera composée de 12 à 20 cégépiens ayant complété le programme préparatoire de la cohorte 2019-2020, auxquels se joindront de 4 à 12 universitaires en septembre 2020 ».
Débat linguistique
Un débat sur la langue de formation à la future faculté satellite avait éclaté en 2014, lorsque Le Droit avait révélé que près du quart des quatre premières années de formation des étudiants de la faculté satellite devait se faire en anglais, à distance.
Ce n’est qu’en janvier dernier que le vice-doyen adjoint à l’enseignement de la médecine de l’Université McGill pour l’Outaouais, le Dr Gilles Brousseau, a fait savoir que le plan de francisation du programme serait réalisé pour l’arrivée de la première cohorte, en 2020. Le Dr Brousseau a précisé jeudi soir que la possibilité d’offrir le programme préparatoire en Outaouais devra faire l’objet de démarches avec des « partenaires locaux ».
Jusqu’à présent, le projet de faculté satellite « avance selon les échéanciers et respecte le budget autorisé ». Le contrat pour les travaux de construction devrait être octroyé en janvier, pour une mise en chantier en mars 2019.
QUÉBEC DOIT « SE PENCHER » SUR L’ENJEU DE LA LANGUE
« Au Québec, chaque étudiant a le droit d’avoir sa formation 100% en français », estime le nouveau ministre responsable de l’Outaouais, Mathieu Lacombe.
Invité à réagir au fait que le programme préparatoire pour les finissants du cégep qui souhaitent étudier dans la future faculté satellite de médecine de l’Outaouais n’est offert qu’en anglais par l’Université McGill, M. Lacombe a tenu à préciser, jeudi, qu’il est « encore en train de se familiariser avec le dossier ». Il estime tout de même que « c’est un enjeu sur lequel [le gouvernement] doit se pencher ».
Puisque différents ministères sont impliqués dans le projet de faculté satellite, le ministre Lacombe entend discuter du dossier avec ses collègues. « Sur le fond de la question, je pense qu’au Québec, chaque étudiant a le droit d’avoir sa formation 100% en français, a-t-il mentionné en entrevue avec Le Droit. […] Par contre, le fait est que quand on a un partenariat avec une université anglophone, ça apporte certains défis. »
M. Lacombe n’a pas voulu s’avancer sur ce que pourrait faire le gouvernement dans ce dossier. « C’est trop tôt pour que je puisse me positionner plus en détails là-dessus », a-t-il dit.
Le dossier de la langue d’enseignement dans la faculté satellite de médecine de l’Outaouais avait fait l’objet, en 2016, d’une intervention en chambre de la députée Claire Samson, qui était à l’époque porte-parole de la Coalition avenir Québec (CAQ) en matière de protection et de promotion de la langue française. À ce moment-là, il était toujours question qu’une partie de l’enseignement se fasse en anglais pendant les quatre années que passeront les futurs médecins en Outaouais.
« Le Parti libéral minimise toujours la défense et la primauté du français », avait déclaré Mme Samson à l’Assemblée nationale. En entrevue avec Le Droit, elle avait à l’époque déploré que « la faculté de médecine de l’Outaouais ne sera accessible qu’aux Québécois pleinement bilingues », avant d’ajouter qu’elle ne voulait pas que la région « forme des médecins pour l’Ontario ».
L’Outaouais se retrouve sous la responsabilité de l’Université McGill en raison de la division territoriale en vigueur pour les facultés de médecine de la province.
La CAQ avait donc demandé, en 2016, qu’une autre université offre la formation en Outaouais si McGill ne pouvait franciser son programme à temps pour l’ouverture de la faculté satellite en 2020. Il n’avait toutefois pas été question, à l’époque, de l’année préparatoire par laquelle doivent passer les finissants du cégep.