Par Mathieu Bock-Côté, dans Le Journal de Montréal, le lundi 31 mars 2014
Avec le retour de la charte des valeurs, la question identitaire sera au cœur du dernier droit de la campagne. Elle pose dans le débat public la question de ce que nous sommes comme peuple. Car la question identitaire ouvre sur certains problèmes majeurs de notre époque, comme la mondialisation ou le multiculturalisme.
La mondialisation devenue folle déracine les peuples. Elle porte un fantasme: le citoyen du monde, qui n’aurait plus de pays, mais qui serait partout chez lui. Mais ce qui triomphe, c’est le citoyen de nulle part, condamné à l’errance existentielle. L’individu se retrouve sans boussole et est réduit au statut de consommateur. La politique n’a plus de sens pour lui.
Le multiculturalisme a quant à lui fragmenté la collectivité. Il considère que la culture de la société d’accueil n’est qu’une culture parmi d’autres. Elle ne doit pas servir de référence. Pire encore: lorsque la société d’accueil entend faire valoir ses droits, on l’accuse de xénophobie, peut-être même de racisme. […]
Il faut alors revenir à certaines évidences. La première: une société n’est pas qu’une addition d’individus blindés dans leurs droits. Ce qui la distingue, c’est une culture, une identité partagée. La seconde: cette culture est nécessairement le fruit d’une histoire qu’il faut assumer et non pas rejeter. S’intégrer à un peuple, c’est apprendre à dire «nous» avec lui.
C’est ici qu’intervient la charte des valeurs. Elle ne représente qu’un élément parmi d’autres d’un plus vaste projet: rebâtir notre identité collective avec des repères vivants. Rebâtir aussi la vie collective pour éviter sa décomposition en mille tribus. La laïcité créera un espace commun où les hommes et les femmes découvriront ce qui les rassemble.
[…] Chaque fois que le peuple québécois entend s’affirmer, on sort l’épouvantail de la tyrannie de majorité. Les tribunaux veulent décider ce qui est permis et ce qui ne l’est pas dans l’intégration des immigrants.
[…] Pauline Marois a promis d’y avoir recours [clause nonobstant] si nécessaire pour imposer la charte des valeurs. […] Elle rappelle que la démocratie repose d’abord sur le pouvoir des élus et non sur le pouvoir des juges. Elle rappelle la prééminence du parlement contre ceux qui veulent le vider de ses pouvoirs. […]