La tête perdue puis retrouvée du général

Jean-Pierre Durand |  Le Patriote

En septembre 2009, on inaugurait en grande pompe devant la Maison Ludger-Duvernay, qui abrite les bureaux de la SSJB, un monument à la mémoire de Charles de Gaulle, constitué d’une colonne de granit surmontée d’un buste en bronze du général. Ce monument avait été réalisé par le sculpteur de renommée internationale Alain Aslan.

Au départ, Aslan avait offert sa sculpture à la Ville de Montréal, mais le maire d’alors, Pierre Bourque, avait refusé l’offre. Son successeur, Gérald Tremblay, s’était quant à lui montré favorable… en autant que la statue demeure cachée ! Que ne ferait-on pas chez nos maires colonisés pour cacher des pans de l’Histoire afin de ne pas déplaire aux fédéralistes. Celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir. Celui qui contrôle le présent contrôle le passé, disait déjà Orwell et, manifestement, nos pleutres élites avaient bien appris leur leçon.

Qu’à cela ne tienne, l’éditeur Michel Brûlé vint à la rescousse et exposa en 2007 devant sa maison d’éditions la sculpture. Ainsi, les Montréalais se souviendraient de la visite du général en 1967 et de son célèbre discours. Quand Brûlé suggéra à la SSJB de nous céder le monument afin de lui offrir une visibilité accrue, notre réponse fut favorable et sans tataouinage. Il serait ainsi bien en vue sur l’une des principales artères de Montréal.

Mais, le dimanche 14 avril 2013, on s’aperçut que la tête du général avait été dérobée pendant la nuit. Des caméras de surveillance devant l’édifice laissaient entrevoir deux individus vêtus de noir et difficilement reconnaissables s’emparer de la tête, tout en laissant intacte la colonne de granit… Bien sûr, notre Société déposa une plainte en bonne et due forme à la police.

Qui diable avait bien pu voler la tête et pour quels motifs ? On pouvait certes envisager une raison politique, une mauvaise farce (on avait bien déjà volé le coeur du frère André), mais on se fit à l’idée qu’il s’agissait, plus prosaïquement, d’un vol à des fins bassement pécuniaires… ceux qui avaient subtilisé la tête comptaient sans doute pouvoir empocher la valeur du métal… Seule l’Agence QMI (Journal de Montréal) traita de la nouvelle.

L’inquiétude fut résorbée quand, quelques jours plus tard, la police communiqua avec la SSJB pour nous apprendre que la tête avait été retrouvée dans un sac d’épicerie abandonné dans le train de banlieue aux environs de Saint-Eustache. Il faut croire que l’instigateur du vol, qui n’avait pas la tête sur les épaules quand il a commis ce larcin, avait renoncé à son butin. L’histoire se termina somme toute bien et la tête a retrouvé depuis sa place.

Ce qui m’amène à vous parler de l’artiste derrière cette fameuse tête. Alain Aslan est né dans le Sud-Ouest de la France en 1930 et décédé à Sainte-Adèle (au Québec) en février 2014, à l’âge de 83 ans. Il fut à la fois peintre et sculpteur de renom, dont une importante partie de son art fut consacrée à la femme, plus précisément au corps féminin. Il fut populaire pour avoir dessiné des femmes en (très) petite tenue pour un magazine masculin français Lui (qu’il m’arrivait de consulter dans ma tendre et pieuse jeunesse… afin de parfaire par l’image, tout en me rinçant l’oeil, les connaissances en matière de sexualité acquises sur les bancs de l’école avec le manuel Savoir aimer de l’abbé Marc Oraison).

Mais Aslan ne trempait pas son pinceau que pour illustrer le nu féminin, peuchère ! Ce maître était aussi habile à sculpter des hommes, comme Georges Pompidou, Alain Delon, Alfred Pellan et, bien sûr, De Gaulle. Il attira les projecteurs également pour avoir sculpté le buste ô combien audacieux ! de Brigitte Bardot en Marianne, ce symbole de la République française, qu’il représentait coiffée d’un bonnet phrygien et parée d’un décolleté affriolant. Vous aurez facilement compris qu’avec Aslan, côté rectitude politique, il fallait repasser ! Aslan avait immigré au Québec en 1995 avec son épouse. Il aimait profondément les Québécois et il l’a démontré par cet hommage au grand Charles. •••