Le devoir de maturité

Didier Calmels  | Le Patriote

 

Depuis des années, les différents chefs du Parti québécois, que ce soit Marois, Péladeau et maintenant Lisée, tentent de convaincre Québec solidaire du bien-fondé d’une alliance, d’un pacte de non-agression dans certains comtés. Le PQ souhaite cette convergence temporaire dans un seul et unique but, soit d’écarter du pouvoir un parti toxique pour le Québec, le Parti libéral, en place depuis plus d’une décennie.

Le Parti québécois fait des concessions, veut travailler sur ce qui rassemble les deux partis en mettant de côté les points conflictuels. Au PQ, même si les programmes diffèrent à certains égards, on indique être prêt à mettre des pans du programme de côté et à adopter des positions avec lesquelles QS serait favorable.

C’est une attitude d’ouverture. Ce n’est jamais arrivé au Québec qu’un parti propose sérieusement une telle alliance, en ne présentant pas de candidat dans certains comtés pour favoriser l’autre parti, en mettant de côté des éléments du programme pour favoriser ceux qui sont aussi défendus par l’autre parti. C’est un geste inhabituel dans notre paysage politique. Probablement que certains membres du PQ ne sont pas tout à fait à l’aise avec cette démarche, plusieurs positions d’extrême gauche de QS ne plaisent pas. Mais il faut se raisonner, on se doit d’être responsable, on peut bien être mal à l’aise avec des opinions, mais il faut être capable de passer par-dessus certaines divisions et travailler sur les points qui rassemblent.

Ouverture et fermeture
Cette volonté d’alliance temporaire, maintes fois demandée par le PQ, n’a jamais eu d’écho
chez les dirigeants de QS. Que ce soit Amir Khadir ou Françoise David, tous deux ont toujours trouvé des raisons pour ne pas accepter la main tendue par le PQ. Ces porte-paroles refusaient parce que, par exemple, ils n’aimaient pas le chef du Parti québécois ou n’appréciaient pas certaines positions du parti.

Les porte-paroles de QS sont même arrivés avec une sorte de liste d’épicerie qui exposait leurs exigences envers le PQ afin d’éventuellement s’associer. Ces demandes furent bien accueillies au PQ et par Jean-François Lisée. QS aurait dû en être ravi, mais, malheureusement, les dirigeants de ce parti n’ont pas donné suite.

Lors du dernier Conseil national de Québec solidaire, une majorité de membres a voté pour que QS ouvre la porte à une alliance avec le PQ. Ce vote des membres envoyait un message clair à leurs porte-paroles, à savoir qu’il fallait surmonter la division du vote afin de trouver un terrain d’entente pour « se libérer des Libéraux ». Encore là, les porte-paroles se sont contentés d’écouter, mais la demande des membres est restée sans suite. Malgré l’ouverture et les appels à la convergence, malgré les concessions, malgré cette main tendue à maintes reprises par le PQ et les demandes de leurs propres membres, les gens de QS font la sourde oreille et n’accordent aucun intérêt à une alliance pour sortir les libéraux du pouvoir, pour stopper l’austérité et pour le bien commun des Québécois.

Objectif, le parti
Bientôt, Québec solidaire aura un nouveau porte-parole, probable que ce soit Gabriel Nadeau- Dubois (NDLR: Ce qui a été confirmé le 21 mai dernier.). Lors de son discours de présentation, l’éventuel porte-étendard de QS a clairement démontré qu’avec lui rien ne changerait concernant la position de son parti sur une alliance avec le PQ. Il a tout au plus effleuré la question comme l’ont fait ses prédécesseurs, mais sans conviction. Au contraire, Nadeau-Dubois y est allé de multiples attaques envers le PQ. Son objectif est on ne peut plus clair: faire croître son parti.

Lorsque la grande majorité des Québécois est insatisfaite du gouvernement Couillard et veut le mettre à la porte. Lorsque ce gouvernement maltraite les acquis du Québec, coupe dans les services et fait mal aux Québécois. Lorsqu’un parti déjà bien en place vous tend la main, fait des concessions pour arriver à une entente afin de sortir ce gouvernement toxique et que vous, votre seul souci demeure de faire croître votre parti, c’est que vous êtes ou bien inconscient ou ne songez pas à la conséquence de vos actes… c’est-à-dire la réélection du gouvernement Couillard !

Si au moins, avec la croissance de son parti, Nadeau-Dubois faisait perdre des votes au Parti libéral, on pourrait comprendre. Mais non, les votes que le futur porte-étendard de QS vise, ce sont les votes du Parti québécois. Il ne veut pas additionner pour battre les libéraux, mais soustraire au PQ pour faire croître QS. Tout au plus fera-t-il passer le pourcentage du vote pour son parti de 10 % à 12 %. Mais ça servira à quoi ? Ça augmentera son influence et flattera son ego, rien de plus. Mais, socialement, le résultat sera la domination du Parti libéral
sur le Québec pour quatre autres années.

La fin de la récréation
Le Parti libéral profite de cette division. Couillard rit lorsque les Québécois se divisent, fragmentent leur vote, alors que le sien reste stable et imperturbable malgré les tumultes qu’il traverse.

Les Québécois ont un devoir de maturité. Ils doivent se ressaisir et cesser de voter d’un bord et de l’autre, pour des partis de niche, qui ne représentent qu’un segment de la société. Des partis qui campent sur des principes de gauche ou de droite, ne ciblant qu’une partie de la population et n’aspirant jamais à représenter la diversité des opinions. Ces partis de niche peuvent bien exister, mais ce sont quand même les votes des Québécois qui les font vivre. Or, les citoyens ont une arme, un pouvoir pour faire changer les choses, et c’est leur vote.

Si, comme l’indiquent les sondages, les Québécois ont vraiment la volonté de mettre à la porte le gouvernement actuel, alors ils doivent agir en conséquence. Ils doivent prendre les moyens pour le déloger du pouvoir. Et ce moyen ne passe certainement pas par la division du vote.

Le seul parti unificateur Maintenant que les tentatives de rapprochement ont reçu moult refus de la part des dirigeants de QS, que ces derniers ont choisi leur parti plutôt que la patrie, le PQ n’a d’autre choix que de se tourner vers les Québécois. Il doit s’arrimer à la volonté d’une majorité de Québécois d’expulser le PLQ du pouvoir et démontrer qu’il est le seul parti en mesure de le faire.

Avec la tournée Osez repenser le PQ menée par Paul St-Pierre Plamondon, le Parti québécois ouvre ses horizons et va à la rencontre des citoyens pour les écouter, afin de connaître leurs préoccupations. C’est aussi un bon moyen de voir la vision que les gens ont du PQ et comment ils voudraient le voir évoluer.

Dans cette même volonté d’écoute, le PQ a choisi de mettre la tenue d’un référendum de côté pour au moins un mandat. La priorité étant d’abord de congédier les Libéraux. Une fois le Québec assaini, le peuple pourra choisir son avenir.

Le Parti québécois est en mode unification. Son chef, Jean-François Lisée, s’est adressé à la communauté anglophone au collège Dawson, il courtise les PME, il défend les régions, il mise sur l’emploi pour mieux intégrer les immigrants. Lisée ne s’adresse pas qu’à une frange de la société, il veut qu’on agisse tous ensemble dans la même direction.

Est-ce que le PQ est parfait ? Non. Est-ce qu’il répond à toutes nos attentes ? Non plus. Tout dépend ce qu’on désire. Si on ne s’en tient qu’à une idéologie, on va dans des partis de niche. On se réfugie avec ceux qui ne pensent que comme nous. Toutefois, si notre désir est de retrouver l’essentiel de nos aspirations dans un parti, mais que les autres, qui n’ont pas tout à fait la même vision, s’y retrouvent aussi, alors on fait preuve d’ouverture et de maturité.

C’est uniquement en alliant nos forces, en passant par-dessus nos divisions et en misant sur nos ressemblances que l’on pourra se débarrasser d’un gouvernement destructeur et, ainsi, faire avancer le Québec. •••