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Le prêt d’honneur change de nom.

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Transcription d’une allocution du Président général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

Soirée-bénéfice de la nouvelle Fondation Maurice-Séguin

6 décembre 2018

Bibliothèque et Archives nationales du Québec – Vieux-Montréal

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Mesdames les anciennes ministres,

Monsieur l’ancien chef de l’Opposition officielle,

Monsieur le président de la Fondation Maurice-Séguin,

Monsieur le président de la Société historique de Montréal,

Monsieur le président de la Société du patrimoine politique du Québec,

Monsieur le président de l’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales,

Monsieur le président du Rassemblement pour un pays souverain,

Distingués invités,

Chers amis,

 

D’abord j’aimerais remercier l’organisatrice de cette soirée, madame Josiane. Merci, chère Josiane Lavallée, pour tout ce que tu fais pour promouvoir notre histoire nationale, et merci en particulier pour ton implication extraordinaire dans l’organisation de ce lancement et de ce colloque qui posera un jalon important dans notre bataille de la mémoire.

 

Quel bonheur de voir naître ce soir notre nouvelle Fondation Maurice-Séguin, fruit d’une réflexion approfondie sur la nécessité de redécouvrir, en ces temps de relative perdition, les repères et les fondements intellectuels de notre mouvement national moderne.

 

D’une part, le temps était venu pour le vénérable Prêt d’honneur, qui célèbre cette année ses 74 ans d’existence, de cristalliser son changement d’orientation déjà entrepris dans les années 70. La mission initiale de cette organisation extraordinaire issue de la Société Saint-Jean-Baptiste, consistait à fournir aux jeunes Québécois une aide financière suffisante pour accéder aux études supérieures, en les invitant sur l’honneur, à redonner au suivant, plus tard dans leur vie.

 

De ce point de vue, et même si la gratuité scolaire tous azimuts n’a pas encore été atteinte comme l’espéraient nos fondateurs, les Patriotes, il n’en demeure pas moins que c’est mission accomplie. Nous avons vaincu. Preuve qu’en trimant dur, – cela à coups d’immenses campagnes de souscription populaire dont notre regretté président d’honneur, Bernard Landry, aurait d’ailleurs pu vous entretenir longtemps, lui qui y participait activement dans ses jeunes années ; preuve surtout qu’en « unissant nos forces », pour paraphraser Duvernay, en nous montrant solidaires les uns des autres, on peut aller loin, très loin. Si bien, si loin que c’est le Prêt d’honneur qui inspirera la mise en place des premiers programmes gouvernementaux d’aide financière aux études, toujours en vigueur de nos jours.

 

Je tiens donc à rendre hommage, à mon tour, au père du Prêt d’honneur, mon prédécesseur Roger Duhamel, un grand parmi les grands, lui qui fut aussi le plus jeune Président général de toute l’histoire de la SSJB, – enfin jusqu’à ce qu’on m’attribue ce record, bien malgré moi… Toujours est-il que la grandeur de l’œuvre de Duhamel commande que nous lui dédions un hommage permanent, ce que nous ferons dans un proche avenir. Lui et tous les artisans du Prêt d’honneur au fil du temps, dont notamment l’ancien président Gaston Bergeron, ici présent, auront immensément mérité de la patrie, sachant que rien n’est plus précieux, rien n’est plus structurant pour un peuple qui aspire à devenir meilleur, que l’accès à une éducation de qualité.

 

L’objectif premier du Prêt d’honneur ayant été rempli, nous nous sommes donc tournés, dès les années 70, vers de nouveaux défis. Nous avons alors consacré nos efforts à appuyer la recherche supérieure sur le Québec. À cet égard, nos réalisations ont été nombreuses et utiles. Pour vous donner ne serait-ce que quelques exemples récents, en 2017, la Fondation du Prêt d’honneur a contribué généreusement à la réalisation de l’ouvrage majeur Le droit linguistique au Québec, un accomplissement sans précédent des juristes Eric Poirier, Guillaume Rousseau et Guillaume Côté de l’Université de Sherbrooke. En 2016, nous avons présidé à la publication de l’une des études les plus approfondies jamais réalisées sur les Finances d’un Québec indépendant, fruit du travail d’un jeune chercheur, monsieur Maxime Duchesne qui a travaillé en collaboration avec un comité d’économistes, et dont la préface est signée par Bernard Landry.

 

En créant la nouvelle Fondation Maurice-Séguin, qui continuera bien sûr à administrer le Fonds du Prêt d’honneur, en plus du Fonds Louis-Asselin dédié aux étudiants en génie, nous avons voulu préciser et actualiser notre mission, cela dans ses aspects les plus porteurs et les plus significatifs pour notre cause. Il va sans dire que nous y voyons également une occasion de mieux circonscrire nos champs d’intervention, mieux identifier notre public cible, pour ainsi dire, et partant, renforcer nos moyens d’action ; nos moyens financiers.

 

C’est presque un tabou dans les milieux universitaires, mais quiconque s’y aventure le moindrement sait bien la maigreur des ressources disponibles pour faire avancer un tant soit peu la recherche sur quelque objet de nature nationale. En histoire, en science politique, en droit, en sociologie, en philosophie, en communications, name it, le phénomène québécois se voit éclipsé loin derrière les étoiles de nos idéologues qui, post-structurellement, dominent la mode universitaire. Manifestement, une bonne partie de notre propre intelligentsia vit ailleurs dans sa tête, ailleurs qu’au Québec ; elle erre en quête de nouvelles métropoles verdoyantes de la pensée ; New York, Boston, Chicago et Toronto surtout, et in English, bien sûr. Le système étant conçu pour encourager et récompenser ceux qui, brillamment faut-il le préciser, se démarquent dans ce cadre bien délimité et insidieusement colonialiste, se verront offrir une Chaire de recherche du Canada, une généreuse bourse de la Fondation Trudeau, et quoi encore. Faute d’une véritable stratégie en matière de recherche scientifique qui aille dans le sens de l’intérêt national, faute d’un apport suffisant aux chercheurs dédiés à approfondir la connaissance sur le Québec, hé bien ce sont les intérêts de recherche du Canada qui prévalent et qui vont jusqu’à structurer le système de promotion sociale au sein de nos universités.

 

On peut facilement s’imaginer ce que le grand Maurice Séguin penserait de cette situation. Sans aucun doute, il verrait là l’une des conséquences malheureuses de notre subordination à l’agir fédéral, elle-même dérivée de l’oppression fondamentale liée à l’annexion de 1840. Or, tout cela n’est pas étranger à notre choix de renommer la Fondation du Prêt d’honneur, Fondation Maurice-Séguin, ne serait-ce que pour avoir les idées plus claires quant au sens de notre action qui n’est autre que de favoriser l’indépendance intellectuelle du peuple québécois.

 

100 ans après sa naissance, nous voulions donc célébrer l’œuvre et la mémoire de Maurice Séguin, l’un des plus grands historiens que le Québec ait connu.

 

Sur une note plus personnelle, je tiens à souligner qu’en tant qu’intellectuel engagé, la pensée de Maurice Séguin, et bien sûr ses Normes, occupent une place privilégiée dans mon esprit depuis les débuts. C’est bien souvent à travers les notions élaborées par Séguin que j’aime à penser notre histoire, pour mieux comprendre l’âme québécoise.

 

Une phrase en particulier, tirée des Normes, m’accompagne presque en permanence : « L’agir par soi-même est le substratum de la vie d’une collectivité. »

 

 

Signature Maxime Laporte

Me Maxime Laporte
Président général, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

 

 

 

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Une autre phrase m’inspire et m’effraie à la fois :

« L’annexion, c’est-à-dire le fait d’être subordonné dans son agir à l’agir d’un autre, l’annexion engendre la médiocrité générale collective. »

Au-delà du pessimisme, du moins apparent, de Séguin, on trouve dans son œuvre les outils intellectuels nécessaires pour reconquérir notre destin. Je me réjouis donc qu’ensemble, nous travaillions à redécouvrir les enseignements de cet héritier de Groulx qui à mon sens, saisissait mieux que quiconque la réalité de notre condition historique, en la représentant par des exposés si lumineux que ceux qui vivent dans l’obscurité ne peuvent qu’en ressentir des douleurs.

Sur ce, je remercie tous les intellectuels de renom qui ont accepté de participer à ce colloque, et je dis : longue vie à la Fondation Maurice-Séguin !

 

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