Le Québec court les rues à Toronto

par Paul-François Sylvestre | Journal Le Patriote

Par analogie, les rues d’une ville représentent les veines du corps. On parle souvent, d’ailleurs, des principales artères d’une ville. Ce « réseau sanguin » est constitué de rues, avenues, chemins, promenades, places, squares, etc. À Toronto, il existe quelque 10 000 rues (le mot rue étant pris, ici, dans son sens large pour inclure les avenues, chemins, promenades, etc.). Le nom de ces rues rend ordinairement hommage à des personnes, lieux ou événements qui ont un lien avec la ville et ses citoyens. Un toponyme peut aussi être choisi parce qu’il renforce l’identité du quartier, souligne la flore, la faune ou les facettes naturelles de la communauté ou reconnaît les communautés qui contribuent à la diversité ethnoculturelle de la ville.

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Selon le recensement de 2011, la population torontoise dont la langue maternelle est le français ne représente que 1,1 % des habitants ou 63 160 personnes, loin derrière les communautés chinoise, italienne, portugaise, punjabi, espagnole, polonaise, tamil et urdu. Il n’en demeure pas moins qu’une centaine de rues et parcs portent des noms carrément francophones à Toronto C’est souvent un secret bien gardé. Ces toponymes rappellent tantôt des explorateurs de la Nouvelle-France, tantôt des personnalités politiques, des personnages torontois ou français, des lieux géographiques canadiens ou étrangers, des animaux, voire des grands crus, bières ou fromages.

Dans la catégorie de la Nouvelle-France, on trouve des noms bien connus comme Jacques Cartier, Samuel de Champlain, Frontenac, Radisson, Cadillac et Montcalm. Mais vous serez surpris d’apprendre que parmi les personnalités politiques qui ont donné leur nom à une rue torontoise, on retrouve des Québécois qui n’ont aucun lien avec la Ville Reine. C’est le cas de Jean-Charles Chapais (Chapais Crescent) qui fut à la fois député provincial et fédéral du Québec, de Joseph-Adolphe Chapleau (Chapleau Place) qui fut premier ministre et lieutenant-gouverneur du Québec, et aussi d’Hector-Louis Langevin (Langevin Crescent) qui fut ministre fédéral. On peut comprendre que Langevin identifie une rue de Toronto puisqu’il a été un Père de la Confédération.

Au sud du Gardiner Expressway, une rue porte le nom Bouchette, en l’honneur de Joseph Bouchette (né à Québec en 1774 et devenu arpenteur-géomètre). En 1791, Bouchette se rend à York (Toronto) pour servir sous les ordres de son père, alors officier de navigation et capitaine de vaisseau dans la région des Grands Lacs. Son habileté et ses connaissances en arpentage lui valent de diriger les levés hydrographiques du port de York, qu’il complète en novembre 1792. En 1794, Bouchette travaille à titre de dessinateur chargé de reproduire en plusieurs exemplaires une carte du Haut-Canada.

Parmi les quelque cent toponymes carrément francophones à Toronto, ce sont les lieux géographiques qui prédominent. La Belle Province est représentée par rue et avenue Québec, avenue Chicoutimi, chemin Dorval, chemin Gaspé, court Lachine et promenade Laurentide. Toronto peut à juste titre se targuer d’avoir des accents francophones ! •••

Référence : Paul-François Sylvestre, Toronto et sa toponymie française, guide illustré des noms de rues et de parcs, Toronto, Éditions du Gref, coll. Lieux dits no 5, 2012, 152 pages.