Steve E Fortin | Journal de Montréal
Une étude de la firme Angus Reid sur l’état de la fédération canadienne qui fera beaucoup jaser…
Le Québec plus isolé que jamais…
La firme de sondage Angus Reid vient de publier une étude (faite auprès de plus de 4000 Canadiens et Canadiennes) sur l’état de la fédération canadienne. Le résultat? Une fédération plus divisée que jamais.
On a souvent parlé des deux solitudes au Québec (et dans le Canada) pour tenter de gommer le fait que deux nations distinctes sont forcées de cohabiter au sein d’une même entité politique.
Il s’agit en fait d’un constat que tous comprennent depuis longtemps : le Québec et le Canada vivent côte à côte, dans des univers parallèles. Le second en attente que le poids démographique du premier décline à un point tel que la seule issue sera, inévitablement, le mariage de raison.
En attendant, cette cohabitation forcée laisse des traces. Et cette étude le montre de façon sidérante. Cela fera beaucoup jaser. Le National Post part le bal par ce titre équivoque : « L’Ontario n’a rien d’amical, l’Alberta en a contre tout le monde et personne n’aime le Québec ».
Les Québécois aiment (un peu) et ne sont pas beaucoup aimés en retour…
L’analyse détaillée faite par Angus Reid pointe dans cette direction. Par exemple, quand il est question de la différence de perception entre les voisins québécois et ontariens. Un constat qui frappe :
« 44% des Québécois voient en l’Ontario un « ami », seulement 12% des Ontariens croient la même chose du Québec. »
Et le constat est à peu près pareil en ce qui a trait à l’autre voisin, le Nouveau-Brunswick, que 40 % des Québécois considèrent comme un ami alors que la réponse réciproque n’est que de 13%…
Quand on étend la question du sentiment « d’amitié entre leur province et le Québec » à l’ensemble de la population canadienne sondée, la réponse est encore plus déstabilisante :
« L’enquête, un premier segment de quatre dont l’objet plus général traite de l’identité de l’Ouest canadien, a révélé que, en moyenne, seulement 5% des Canadiens hors Québec estiment que le Québec est proche ou amical avec leur propre province; de plus, 53% des Canadiens sondés pensent que la belle province retire plus de la Confédération qu’elle n’en donne. »
Sachi Kurl de la firme Angus Reid explique que « L’hostilité envers le Québec est particulièrement aigüe en Alberta et en Saskatchewan, ce qui n’est pas surprenant, compte tenu des commentaires du premier ministre François Legault en décembre selon à l’effet qu’il n’est pas socialement accepté qu’un oléoduc traverse le territoire québécois. »
Ce n’est pas le grand amour entre les autres provinces non plus!
On remarque aussi, à la lecture des résultats de l’enquête que la perception d’un Canada uni « coast to coast » tient pas mal plus de la lubie qu’autre chose. Sachi Kurl à ce sujet :
« Vous savez, nous ne sommes pas, ici, dans la dynamique d’un pays soudé ou celui d’une fédération unie, mais plutôt dans ce qui semble être différentes entités divisées en blocs régionaux. […]
Lorsque nous entendons différents premiers ministres traiter de priorités concurrentes très différentes ou quand ceux-ci dénoncent l’absence de parité ou ce qu’ils perçoivent comme une injustice à propos de certains enjeux, cela correspond tout à fait à ce que pensent les habitants de leurs propres provinces. Que le bon Dieu aide tout chef fédéral qui tente de faire campagne en fonction d’un message d’unité pour l’ensemble du Canada parce que tout indique que ce pays est tout sauf uni. »
En ce début de 21e siècle, il se pourrait bien que le Canada soit mûr pour une grande conversation sur sa propre constitution, c’est-à-dire les fondations sur lesquelles repose la cohabitation entre les différentes régions de ce pays.
Il ne fait aucun doute que le Québec demeure isolé dans cette « fédération » à laquelle il n’a jamais complètement adhéré, rappelons-le. Le Québec n’a jamais signé la Constitution de 1982 et le référendum de Meech a scellé une mésentente profonde entre le Québec et le Rest of Canada.
Le Québec a dit non à la question alambiquée de 1980 et le référendum de 1995, un match nul au mieux, est un exercice démocratique manqué, spolié. Nous vivons d’ailleurs, encore aujourd’hui, les stigmates de ce rendez-vous manqué. Le Québec étant toujours dans les « limbes constitutionnels ».
Ni complètement dans le Canada ni dehors non plus.
Les limbes, ça dure longtemps.