Journal METRO | Courrier des lecteurs
Le 27 août dernier, aux funérailles du député franco-ontarien Mauril Bélanger, Stéphane Dion s’émerveillait : «Ce qui est frappant, c’est que le champion de la langue française a modernisé la version anglaise de notre hymne national, Ça dit tout de lui, il n’y avait pas un sujet qu’il n’abordait pas de façon originale et percutante», déclarait le ministre des Affaires étrangères. Effectivement, lorsqu’on voyait le député Bélanger, grand défenseur des francophones en Ontario, s’évertuer à rendre moins sexiste la version anglaise de l’Ô Canada, il y avait de quoi écarquiller les yeux, mais pas pour les raisons invoquées par le ministre libéral.
Ce qui est plus frappant, c’est qu’en 1880, l’Ô Canada a été composé par Adolphe-Basile Routhier (paroles) et Calixa Lavallée (musique) parce que les Québécois en avaient assez de devoir entonner le God Save The Queen chéri par les Canadiens anglais qui, eux, se considéraient d’abord et avant tout comme des sujets britanniques. À ce titre, Ô Canada était alors considéré comme l’hymne national des Canadiens français. Or, quelques décennies plus tard, de multiples versions traduites en anglais ont circulé et ce n’est qu’en 1980 que deux Ô Canada – l’un en français et l’autre en anglais – ont officiellement été adoptés par la Chambre des Communes à titre d’hymne national canadien. Et, aujourd’hui, signe des temps, on entonne la version anglaise dans les grands événements sportifs professionnels partout au Canada, sauf à Ottawa et à Montréal, où une version bilingue est entendue. Mais depuis le départ des Nordiques de Québec, en 1995, la version originale française n’est plus chantée nulle part, ce qui en dit long sur la francophonie canadienne tant défendue par Mauril Bélanger.
L’Ô Canada anglais a, donc, si bien supplanté l’original français que les Canadiens français n’ont plus d’hymne national distinct et qu’un défenseur des droits des francophones minoritaires comme Mauril Bélanger s’identifiait suffisamment à la version anglaise pour faire de sa «modernisation» le dernier combat politique de sa vie.
Ainsi se produit tout déclin démographique : tout doucement, sans attirer l’attention ni causer la moindre crise. Justement, un étiolement de la sorte m’a récemment sauté aux yeux. Depuis des années, à la caisse de mon épicerie locale, en plein Plateau Mont-Royal, on m’accueillait toujours avec un cordial «bonjour» qui a progressivement cédé la place au trop classique «bonjour hi». Mais il y a quelques jours, le «bonjour hi» s’est muté en «hi bonjour». Depuis, j’appréhende l’étape suivante.
Christian Gagnon, Montréal