Histoire de Christian Gagnon, publiée dans le Journal Métro , le 9 mai 2012
Il pleuvait sur Montréal hier matin. L’autobus de la STM dans lequel je me trouvais se frayait un chemin parmi les cônes orange, dans la partie en travaux de l’avenue du Parc.
Une femme asiatique dans la trentaine attendait l’arrêt suivant, debout à la porte de sortie au milieu de l’autobus. Dans un français impeccable, le chauffeur d’origine maghrébine s’est adressé à elle depuis son volant : «Cet arrêt est annulé pour la durée des travaux, madame. Parce que je n’avais pas prévenu à l’avance, si vous le voulez, je peux vous faire descendre ici, à l’avant.»
La femme n’a pas bronché. Le chauffeur a répété un peu plus fort pour être sûr d’être entendu, mais la femme n’avait toujours aucune réaction. Deux passagers se sont empressés alors de tout traduire en anglais à la femme, qui s’est aussitôt précipitée à l’avant où le chauffeur lui a ouvert la porte. «Bonne journée», lui a dit le souriant et cordial chauffeur.
Employé du secteur parapublic, l’homme en question est plus chanceux que nos 25 % à 30 % d’immigrants maghrébins francotropes et scolarisés, mais au chômage parce que pas bilingues.
Et dans l’autobus, sous ce ciel gris, les passagers anglophones affichaient une mine contrariée, l’air de se dire : «Mais comment diable la STM a-t-elle pu embaucher un chauffeur qui ne parle pas anglais?» De leur côté, les passagers francophones montraient un air circonspect, l’air de penser : «Mais qu’attend donc cette femme pour apprendre un petit peu le français?»