Pénurie de profs au Canada français

Marco Fortier | Le Devoir

Il n’y a pas que le Québec qui manque d’enseignants. La pénurie s’étend aux conseils scolaires francophones de tout le Canada, où le recrutement de professeurs devient un défi pour des communautés minoritaires qui cherchent à préserver leur langue et leur culture.

Les 28 commissions scolaires du Canada français, responsables de 165 000 élèves, manquent tellement de main-d’oeuvre qu’elles tentent de recruter des stagiaires québécois de troisième ou quatrième année du baccalauréat en enseignement.

« Nous travaillons sur un partenariat avec l’Association canadienne d’éducation de langue française afin d’accueillir des étudiant.e.s des facultés d’éducation du Québec, indique Karine Charlebois, de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF). Ce programme permet aux étudiants de découvrir un nouveau contexte éducatif, soit celui des communautés francophones du Canada. Il offre la possibilité d’un enrichissement sur les plans tant professionnel que personnel et culturel par l’intégration dans le milieu. »

La pénurie d’enseignants est si importante que des conseils scolaires du Canada français appellent à la rescousse des retraités et doivent embaucher des suppléants non légalement qualifiés qui ont une scolarité collégiale. La pénurie touche aussi les directions d’école.

« Les besoins sont très, très criants », résume Monique Boudreau, présidente du Regroupement national des directions générales de l’éducation (RNDGE).

 

Classes d’immersion

Les 700 écoles primaires et secondaires francophones du Canada font face à une tempête parfaite : le nombre d’élèves a augmenté de 16 % depuis 2012, les facultés d’éducation attirent moins d’aspirants enseignants, les profs partent massivement à la retraite, les jeunes enseignants sont nombreux à quitter le métier, et le Québec, qui a longtemps été une source complémentaire d’embauche, ne peut plus fournir de relève à cause de sa propre pénurie de main-d’oeuvre.

 
700
Le nombre d’écoles primaires et secondaires francophones à l’extérieur du Québec

Il faut ajouter à cela l’engouement pour les classes d’immersion française dans les écoles anglophones, qui drainent de précieux enseignants francophones. Au Nouveau-Brunswick, les élèves peuvent désormais faire de l’immersion dès la première année du primaire, ce qui aggrave les difficultés de recrutement des écoles francophones.

« La profession est dévalorisée. Les jeunes ne veulent plus enseigner. Cette année, la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Moncton aura à peine 36 ou 37 finissants. Je pourrais tous les embaucher ! » dit Monique Boudreau, qui est directrice générale de l’éducation du District scolaire francophone Sud au Nouveau-Brunswick.

 

Reconnaître les compétences

La Fédération nationale des conseils scolaires francophones réclame la création d’un consortium national de recrutement des enseignants ; la reconnaissance des compétences professionnelles entre les provinces pour assurer une meilleure mobilité des enseignants au pays ; des mesures de valorisation de la profession pour augmenter le nombre d’inscriptions dans les facultés d’enseignement (mentorat, stages rémunérés, appui pour faciliter l’intégration des nouveaux enseignants).

Il faut aussi reconnaître les compétences professionnelles des étrangers, pour faciliter le recrutement d’enseignants venus d’ailleurs. Les commissions scolaires vont recruter des aspirants profs dans les foires d’emploi en France et en Belgique, mais la reconnaissance des diplômes et acquis professionnels reste problématique, explique Monique Boudreau.

« Pour faciliter le recrutement d’enseignants retraités, le Nouveau-Brunswick leur a récemment permis de revenir sur le marché du travail jusqu’à concurrence de deux ans sans être pénalisés financièrement. Ailleurs au pays, les enseignants à la retraite sont confinés à un nombre limité de jours pour faire de la suppléance », souligne aussi Mme Boudreau.

 

 

 

 

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