Article d’Olivier Bourque de la chronique Argent à LCN le 16 décembre 2009.
Le constructeur Toyota a peut-être lancé un pavé dans la mare avec sa dernière campagne publicitaire destinée au Canada. On peut y voir plusieurs événements historiques d’importance notamment le controversé «Love-In» du camp du Non au Référendum de 1995.
«Présenter cet événement illégal comme une grande victoire canadienne démontre la vraie nature de ce pays et à quel point son nationalisme n’existe que par opposition à l’existence du Québec», a expliqué son président Mario Beaulieu.
La publicité est simple. Un jeune homme marche, s’assoit dans sa Toyota et regarde l’histoire des vingt dernières années sur un écran de ciné-parc. Défilent alors sur une musique qui appelle à l’émotion plusieurs images fortes reliées à la fierté notamment la chute du Mur de Berlin, la libération de Nelson Mandela ou le concert du SRAS de 2003.
La publicité montre aussi la vidéo dans laquelle un drapeau canadien se déplace dans la foule amassée à la Place du Canada quelques jours avant le Référendum de 1995. Cet événement a souvent été perçu comme un élément déclencheur qui a fait tourner le vent en faveur du Non en fin de course.
En entrevue avec Argent, Toyota Canada a avoué que cette publicité destinée aux salles de cinéma «n’aurait pas du être lancée sur le territoire québécois en raison de la sensibilité» encore perceptible face à l’événement.
Pressé de questions par Argent, le constructeur a décidé retirer cette publicité cette semaine des cinq salles qui présentent du cinéma de langue anglaise à Montréal.
En revanche, Toyota Canada va la conserver en entier pour le marché du «Rest of Canada». «Cette image n’a pas la même signification pour les Canadiens anglais, donc on ne va pas la changer pour ce marché», a souligné Rebecca Wu, stratège marketing chez Toyota Canada.
Publicité différente pour les Francophones
La publicité a été conçue par la boîte Saatchi & Saatchi de Toronto. La décision a été prise en collaboration avec Toyota Canada. La campagne publicitaire a démarré le 4 décembre dernier et elle devrait être présentée à la télévision dans les prochains mois.
Le constructeur avait toutefois déjà senti au départ l’aspect sensible de cette publicité pour le Québec. D’ailleurs, on avait confectionné une séquence différente pour le marché québécois dans laquelle l’image du grand rassemblement du non est totalement éclipsée et remplacée par celle de légumes et de fruits biologiques.
La publicité a été lancée par l’entreprise pour souligner la durabilité de leurs voitures. Selon Toyota, plus de 80 % des voitures du constructeur lancées il y a 20 ans sont encore sur les routes de l’Amérique du Nord, une ligne publicitaire qui est utilisée à la fin de l’annonce.
Toyota Canada se défend d’utiliser l’image du non référendaire afin de faire appel à la fierté. «Nous voulions montrer des événements historiques d’importance, c’est pourquoi nous avons utilisé cette image», se défend Mme Wu.
Une gaffe
Selon Yves Dupré, président d’Octane Communications, il s’agit d’une gaffe importante venant d’un annonceur majeur.
«C’est clairement une erreur. Si un publicitaire québécois avait vu cette séquence, il aurait allumé sur la sensibilité d’ici. On ne peut pas se mettre à dos 60 % de la population du Québec», a-t-il estimé.
Aux dires de M. Dupré, la publicité est «très belle, très vibrante» mais porte à controverse. Ce qu’un gros annonceur devrait toujours éviter, dit-il.
Par communiqué, la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) a réagi en après-midi en dénonçant «vivement» l’offrande publicitaire de Toyota.
«Présenter cet événement illégal comme une grande victoire canadienne démontre la vraie nature de ce pays et à quel point son nationalisme n’existe que par opposition à l’existence du Québec», a expliqué son président Mario Beaulieu.