Un débat en anglais. Pour qui?

Mario Dumont |  Journal de Montréal

 

Nous avons vécu une première : un débat des chefs en anglais. Je ne comprends toujours pas pourquoi les chefs ont accepté ce débat, dans ce Québec où la langue commune est le français­­­.

D’ailleurs, tous les chefs insistent pour dire que l’apprentissage du français pour les nouveaux arrivants constitue une condition essentielle à leur intégration. Pourtant, la tenue d’un débat en anglais est la plus belle démonstration que ce n’est pas nécessaire d’apprendre le français au Québec. Tout finit par être offert en anglais.

 

Question de fond

L’une des questions sous-jacentes au débat sur l’immigration est la suivante : après quelques années au Québec, les nouveaux arrivants vivent-ils oui ou non en français ? Or, le débat en anglais, sans s’en rendre compte, nous rappelait une réalité.

Parmi les citoyens qui formulaient les questions aux chefs de partis, quelques-uns n’étaient pas des Anglo-Québécois au sens strict du terme. Il s’agissait de Québécois issus de l’immigration, mais qui visiblement se sont davantage intégrés à la communauté anglophone ou qui proviennent de pays où l’anglais est plus familier.

Je ne connais pas leur parcours de vie et leur cas particulier. Leur anglais est fluide. Visiblement, ils habitent dans des quartiers où l’anglais est omniprésent. Ils ont donné leur nom pour poser une question dans le débat en anglais. Maîtrisent-ils aussi le français ? Peut-être. Mais tout semble indiquer que leur vie se déroule dans la langue de Shakespeare.

En ce sens, ils sont représentatifs de dizaines de milliers d’autres. Des gens venus au Québec (mais qui sont venus au Canada dans leur esprit) et qui, sans vouloir poser un geste politique révolutionnaire, se sont tout doucement intégrés à la vie en anglais à Montréal.

Et cela inclut des enfants de la loi 101. Ils sont de plus en plus nombreux à bien connaître le français, ayant fréquenté l’école française. Si vous vous adressez à eux en français au travail, ils vous répondront dans un français excellent. Mais si vous les suivez pendant une semaine, vous constaterez que maison, boulot, radio, télé, cinéma, emplettes, lecture, tout se passe principalement en anglais. Ils vivent en anglais.

 

L’anglais attire

N’est-ce pas là le nœud du problème ? L’attractivité de l’anglais est énorme lorsqu’on débarque sur ce continent. La musique populaire est en anglais. Une personne branchée va voir les films en version originale en anglais. Donc, même de nouveaux arrivants­­­ qui partaient avec l’idée qu’il faudrait bien apprendre le français finissent par vivre confortablement en anglais.

Au centre-ville de Montréal comme dans les centres commerciaux de Laval, on entend la vie se dérouler de plus en plus en anglais autour de nous. Ce ne sont pas les gens avec des noms britanniques ou écossais qui ont davantage d’enfants. Ce sont des Néo-Québécois, globalement bien intégrés, mais en anglais.

L’intégration des nouveaux arrivants est un enjeu réel de cette campagne. Dans leur refus que l’immigration soit discutée, les multiculturalistes nient toute cette réalité. La tête dans le sable jusqu’à la ceinture.

 

 

 

 

 

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