Permettez-moi d’abord d’énoncer quelques faits que personne ne peut contester.

Primo, les francophones forment un peu plus de 20% de la population du Canada. La grande majorité des Canadiens et Canadiennes sont anglophones.

Secundo, nous vivons en démocratie et dans une démocratie, les décisions publiques expriment généralement le consentement ou la volonté de la majorité. Cette majorité étant anglophone, le droit de décider lui appartient toujours. La minorité francophone ne peut qu’appuyer, s’opposer ou participer aux décisions du Canada anglais. Jamais elle ne pourra décider pour l’ensemble du Canada.

Le Québec est l’unique territoire où nous sommes majoritaires, le seul où les francophones ont le droit de prendre collectivement des décisions d’État…

Pour nous, Patrimoine canadien est donc l’instrument de la majorité anglophone. Les délibérations qui suivront ces consultations et les décisions qui en découleront seront nécessairement le reflet du consentement d’un ministère et d’un gouvernement de la majorité anglo-canadienne.

À titre de francophones, dans ce régime, nous sommes – comme toujours – tributaires de la volonté du Canada anglais. Le fédéralisme canadien est ainsi fait.

Le message que je vous livre, aujourd’hui, est on ne peut plus clair. Le Québec francophone ne doit pas laisser la moindre parcelle de son avenir linguistique et culturel entre les mains de la majorité anglophone du Canada ou de son gouvernement.
Hors Québec, on a vu le sort réservé aux minorités canadiennes-françaises et acadiennes depuis la naissance de la fédération en 1867. Entre 1871 et 1929, sous l’oeil complaisant d’Ottawa, les écoles françaises ont été interdites au Nouveau-Brunswick, à l’Île du Prince Édouard, au Manitoba, en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario!

Les majorités de langue anglaise à travers le pays ont tenté d’effacer les collectivités francophones de la carte. N’eut été du sursaut autonomiste du Québec dans les années 1960, qui menaçait l’intégrité du pays, ces provinces auraient poursuivi leurs politiques francophobes et répressives.

Avec l’adoption de la Loi 101 en 1977, le Québec s’est donné une charte de la langue française. Immédiatement, par l’intermédiaire de son gouvernement et de ses tribunaux, la majorité anglophone du Canada a entrepris de la tailler en pièces. Des juges nommés par Ottawa ont charcuté chapitre après chapitre de la Loi 101: langue de la législature, langue des tribunaux, accès aux écoles, affichage commercial, tout y est passé.

En 1982, ce fut la nuit des longs couteaux. Ottawa et les neuf provinces à majorité anglaise ont imposé au Québec une nouvelle charte constitutionnelle, sapant son droit de véto

historique et outillant les juges fédéraux contre les lois québécoises. Encore aujourd’hui, le gouvernement fédéral se dresse contre nos mesures de francisation, même les plus faibles, comme celles de la Loi 96.
Alors je répète. Je m’adresse ici au Canada anglais, seul maître à bord du gouvernement fédéral et de ses ministères, dont Patrimoine canadien, et seul responsable de ses lois et programmes, y compris la Loi sur les langues officielles et le soi-disant «plan d’action» en matière de langues officielles.

Je vous dis, le plus objectivement possible. Si vous tenez – comme vous le prétendez – à promouvoir et protéger la langue française, même au Québec, le mieux que vous puissiez faire, c’est de nous laisser agir seuls. Ne pas nuire. Ne pas mettre de bâtons dans les roues.
Cessez de privilégier l’anglicisation du Québec par le financement excessif d’institutions et d’organisations québécoises de langue anglaise. Elles sont déjà surfinancées. Respectez les compétences du Québec. Laissez la Loi 101 s’appliquer aux entreprises privées à charte fédérale et – pourquoi pas – aux fonctionnaires fédéraux travaillant en sol québécois.

Je n’aborderai pas ici la problématique des minorités francophones ailleurs au Canada. Ces collectivités sont parfaitement capables d’exprimer leur vécu sans l’aide des Québécois et elles peuvent toujours compter sur notre solidarité.

Notre principale préoccupation c’est le Québec, coeur de la francophonie nord-américaine, où le déclin de la langue et de la culture françaises devient préoccupant. La Société St-Jean Baptiste de Montréal défend le français au Québec depuis près de 200 ans. Nous n’avons jamais demandé l’aide du gouvernement canadien et ne quémandons rien aujourd’hui.

Si nous participons à ces consultations, c’est pour vous livrer un message. Je vous le dis bien simplement : si, par vos actions, vous entravez la protection et la promotion du français au Québec, vous écrirez une autre page sombre de l’histoire, et en porterez la responsabilité !

Vous aurez démontré une fois de plus que le seul moyen d’assurer la viabilité de la langue française en terre d’Amérique, c’est que le Québec français devienne un pays

 

VLQL

Marie-Anne Alepin
Présidente générale de la SSJBM