SIMON-PIERRE SAVARD-TREMBLAY | JOURNAL DE MONTRÉAL
Le patrimoine est malmené au Québec. Les Montréalais peuvent désormais constater que la mythique enseigne Archambault ne se trouve plus au coin de la rue Berri et de Sainte-Catherine. À L’Isle-Verte, le moulin du Petit-Sault a été en partie rasé à la pelle mécanique. C’est cependant le triste événement survenu à Chambly qui a le plus attiré l’attention.
Le 22 novembre, Christian Picard, candidat défait dans la circonscription de Chambly lors de l’élection du 1er octobre dernier, reçoit un appel des amis de la Maison Boileau. On l’avise que ladite maison, lieu historique vieux de 200 ans, qui appartenait au patriote René Boileau, s’apprêtait à être détruite.
Picard est alors immédiatement sauté dans sa voiture, s’est rendu sur place, et a tenté de s’interférer. Il a demandé au chef du chantier de cesser la démolition. Peine perdue, le directeur général de la municipalité de Chambly, présent sur place, a ordonné que l’oncontinue. Picard s’est ensuite installé devant la pelle mécanique, rendant le chantier non sécuritaire, et empêchant momentanément la poursuite de l’opération de destruction. Les policiers sont arrivés, ont embarqué Picard, qui s’est retrouvé au poste pendant environ trois heures.
Le procès de Christian Picard aura lieu prochainement. Le principal intéressé pourrait se retrouver avec un casier judiciaire. Il lui est, d’ici là, interdit d’approcher la Maison Boileau et de tenter d’entrer en contact avec le DG de Chambly.
Normal, me direz-vous. Quand on viole la loi, on en subit les conséquences.
Le problème, ici, est qu’il est possible (et probable) que ce ne soit pas, d’un point de vue légal, Christian Picard qui soit fautif, mais bien la ville de Chambly.
Les règlements prévoient normalement que ce type de démolition ne puisse se faire sans préavis. Les autorités publiques sont tenues d’en faire l’annonce sur les lieux plusieurs jours à l’avance, en plus de publier l’information sur leur site internet et de la communiquer aux médias locaux. La résolution doit aussi être approuvée par le Comité de démolition de la municipalité.
Il faut dire que la mairie de Chambly est réputée pour ses méthodes autoritaires. Son maire, Denis Lavoie, n’hésite généralement pas à avoir recours aux menaces et aux abus de pouvoir. L’équipe d’Enquête de Radio-Canada a consacré un reportage à ce véritable petit dictateur de bas étage.
Christian Picard organise désormais une collecte de fonds pour payer ses frais d’avocat. Le 18 décembre prochain, à 19h30, il tiendra un événement au bar La croisée des chemins, situé au 3701 Fréchette à Chambly.
Il est aussi possible, en cliquant ici, de faire un don à sa campagne de soutien. Dans le contexte, ça semble fondamental.
Au-delà du seul cas de la Maison Boileau, cela nous révèle que notre patrimoine est bien en mal en point si une municipalité peut, sur un coup de tête, annoncer la démolition d’un bâtiment historique. Une politique nationale digne de ce nom s’impose en la matière.
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Simon-Pierre Savard-Tremblay, docteur en socio-économie du développement.