Jérôme Labbé | Radio-Canada
La petite maison au toit mansardé, sise au 136, rue Yamaska, avait été construite en 1880, non loin du chemin des Patriotes. La famille de Magloire Vézina, un marchand, y a tenu son commerce pendant quatre générations.
La municipalité aurait octroyé le permis de démolition en 2015 pour que la famille qui tient l’épicerie du village, établie elle aussi à Saint-Denis-sur-Richelieu depuis plusieurs générations, puisse agrandir le commerce.
Une évaluation datant de 2013 avait pourtant poussé la MRC de la Vallée-du-Richelieu à souligner la forte valeur patrimoniale de la maison. Elle reconnaissait par contre que son état physique laissait à désirer.
Le président de la Société d’histoire des Riches-Lieux, Guy Archambault, n’a appris que récemment, lors d’une séance du conseil municipal du village, que le bâtiment serait démoli.
« On a été désolés », soupire-t-il, ajoutant que la disparition de la maison Vézina créerait un « trou dans le village ».
Rencontré devant la maison lundi, soit 48 heures avant sa démolition. M. Archambault se désolait que les propriétaires précédents ne l’aient pas entretenue adéquatement.
« Quand un village est considéré comme l’un des plus beaux villages du Québec, c’est un ensemble de constructions qui sont témoins d’une certaine époque et qui sont conservées dans un état d’embellissement. Tandis qu’une maison comme celle-là, qui disparaît… »
Ce qui est surtout inquiétant, c’est que ça semble se répéter. Ça semble une mode de faire disparaître les anciens bâtiments.
À son avis, « dans quelques années, on va peut-être regretter cette tendance-là ».
D’après M. Archambault, le ministère de la Culture devrait être « plus vigilant » en ce qui concerne le patrimoine bâti du Québec. Il devrait aussi éviter de confier cette responsabilité aux municipalités, qui selon lui n’ont souvent pas les moyens d’entretenir ce genre de bâtiment.
En attendant, il se réjouit que le conseil municipal de Saint-Denis-sur-Richelieu s’apprête à adopter un règlement obligeant les résidents du village qui possèdent une maison patrimoniale à l’entretenir convenablement.
Recherchiste à la même société d’histoire, Onil Perrier abonde dans le même sens : c’est le ministère de la Culture, et non les municipalités, qui devraient gérer l’octroi des permis nécessaires pour démolir des bâtiments patrimoniaux.
« Elles admettent elles-mêmes qu’elles n’ont pas les ressources humaines, qu’elles n’ont pas de gens assez instruits, assez cultivés pour apprécier ce patrimoine-là », souligne-t-il.
À 90 ans, M. Perrier désespère de voir comment le Québec gère son patrimoine bâti.
Ça nous émeut, ça nous décourage de voir qu’on fait si peu de cas des richesses qu’on a héritées des générations précédentes.
« On n’enseigne plus beaucoup l’histoire, et on ne l’enseigne pas de façon à faire aimer notre passé et ce que les gens ont bâti avant nous », observe-t-il. « Les jeunes générations ne donnent aucune valeur au patrimoine bâti et s’en débarrassent comme on se débarrasse d’une paire de claques. »
La démolition de la maison Vézina s’ajoute à plusieurs autres cas de bâtiments patrimoniaux détruits récemment à Chambly, à L’Isle-Verte et à Montréal.
Dimanche dernier, la nouvelle ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, a d’ailleurs émis le souhait de créer un répertoire des biens patrimoniaux à risque pour éviter ce genre de situation.
Avec la collaboration de Jacaudrey Charbonneau et Sébastien Desrosiers