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Ce crucifix

Chronique de Bernard Descôteaux publiée dans Le Devoir le 1er septembre 2013

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«Le Québec est-il un État laïque ? Si celui-ci s’est déconfessionnalisé au fil des dernières décennies, la rupture avec la religion est loin d’être consommée, juridiquement et culturellement. Le pas qu’entend franchir le gouvernement Marois avec l’adoption d’une Charte des valeurs québécoises est nécessaire.[…]

Il est reproché au gouvernement Marois de vouloir instrumentaliser ce débat sur la laïcité pour en faire un débat identitaire. Ne soyons pas naïfs, l’identité colore tous nos débats politiques au Québec. L’instrumentalisation est un reproche qui vaut pour tous. Le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, nous en a fait une belle démonstration mercredi. Quant à ceux qui diront qu’il faut se garder de mettre le pied dans un tel débat, ce sont les mêmes qui reprocheront aux élus, lorsqu’il y aura crise, d’avoir trop attendu. Ne pouvons-nous pas faire ce débat sans présumer des intentions des uns et des autres, sans présumer non plus de notre capacité à trouver des consensus ? […]

La neutralité de l’État est chose acquise dans les esprits des Québécois, mais cela n’est pas dit juridiquement de façon telle que la laïcité soit reconnue comme un principe structurant de l’État, voulant que l’État québécois soit fondé sur la seule primauté du droit. En corollaire, il va de soi que l’État doit afficher sa neutralité (pensons au port de signes religieux ostentatoires) et dans son fonctionnement (pensons aux accommodements raisonnables). Le tout conduit, et il n’y a pas de surprise pour quiconque en cela, à un arbitrage entre des droits reconnus par les Chartes des droits, tant la canadienne que la québécoise, et des valeurs que la société québécoise a fait siennes, telles l’égalité entre les hommes et les femmes.[…]

Il y a un conflit potentiel évident entre cette charte des valeurs et la Charte canadienne des droits et libertés telle qu’elle a été interprétée par les tribunaux jusqu’ici. Un conflit qui pourrait n’être résolu que par le recours à la clause dérogatoire. Il serait prudent de laisser le débat se faire avant de conclure qu’il conduira à une « chicane », selon le mot du premier ministre Harper. Les esprits peuvent évoluer, pourvu qu’on accepte qu’il s’agisse d’un débat ouvert. […]

La croix du mont Royal ne symbolise pas l’autorité de l’État. Le crucifix à l’Assemblée nationale, si ! Ce n’est pas un simple élément d’un décor historique. C’est sous le regard de ce crucifix, qui est le symbole de l’Église catholique, que les lois qui nous régissent sont adoptées. Comment expliquer à un juif qu’il ne portera plus sa kippa lorsqu’il représente l’État, ou à une enseignante musulmane qu’elle doit laisser son voile à la maison, alors que les députés continuent de s’attacher à ce symbole religieux ? Que penseront-ils de l’ambivalence du gouvernement, d’ailleurs très largement partagée par les élus ? Ce crucifix contredit l’image de neutralité de l’État. Il doit être retiré de cette enceinte.»

 

Lire la chronique complète sur le site du journal Le Devoir

 

 

 

 

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