Article de Pierre Vallée paru dans Le Devoir édition du samedi 17 et du dimanche 18 octobre 2009.
« La Fondation Historica et l’Institut du Dominion sont déjà présents dans les classes québécoises »
En août dernier, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM) a annoncé la création de la Coalition pour la promotion de l’enseignement de l’histoire au Québec. Elle en a confié la mise en place à deux membres de son conseil général, soit les historiens Josiane Lavallée et Robert Comeau.
«Notre première tâche a été de rejoindre et de mobiliser nos alliés naturels», explique Robert Comeau. La Coalition peut aujourd’hui compter sur l’appui d’une quinzaine d’organismes et d’individus actifs dans l’enseignement ou la promotion de l’histoire au Québec, dont notamment la Société des professeurs d’histoire du Québec, l’Association des professeures et professeurs d’histoire des collèges du Québec et la Fédération des sociétés d’histoire du Québec. «D’ici Noël, nous comptons élargir la Coalition à d’autres groupes dont, entre autres, les associations de parents et les sociétés de généalogie du Québec.»
L’origine de la Coalition
L’élément déclencheur de cette coalition remonte à 2006. «Cela s’est produit lorsque j’ai pris connaissance du nouveau programme d’histoire au secondaire, raconte Josiane Lavallée. Plusieurs éléments de l’histoire politique du Québec en étaient absents. J’en ai aussitôt parlé à Robert Comeau, qui a transféré l’information à un journaliste du Devoir, Antoine Robitaille, qui en a fait le sujet d’un article. Ensuite, l’actuel président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Mario Beaulieu, s’est intéressé au sujet et c’est lui qui a eu l’idée de mettre en place la Coalition.»
Rappelons qu’il s’agit de la deuxième coalition sur l’histoire au Québec. «En 1994, une première coalition avait amené le gouvernement Parizeau à commander le rapport Lacoursière sur l’enseignement de l’histoire, souligne Robert Comeau. Même si ce rapport a permis certains gains, le fond du problème demeure toujours le même. Quant aux questions soulevées par la publication de l’article, le ministère a apporté certains correctifs, mais nous sommes encore loin du compte.»
À brève échéance
La Coalition a déjà accouché d’une plateforme qui contient 16 recommandations portant sur l’enseignement de l’histoire. «À brève échéance, nous espérons rencontrer la ministre Courchesne afin de lui faire part de nos recommandations. Elle a récemment indiqué qu’elle était intéressée à nous rencontrer, poursuit Robert Comeau. On verra ce qui sortira de cette rencontre.»
La Coalition compte aussi créer son propre site Internet. «Cela va nous permettre de mettre en ligne une pétition que pourront signer les citoyens, les parents ainsi que tous les organismes qui veulent nous appuyer», poursuit Josiane Lavallée. On entend aussi publier un dépliant qui ferait connaître à la population québécoise la Coalition et ses recommandations.
À venir plus tard
Le but de la Coalition est évidemment de transformer la façon dont l’histoire est enseignée au Québec. Mais on espère aussi que cette coalition mènera ultérieurement à la création d’une Société historique du Québec. «Cette Société historique pourrait produire des brochures sur différents sujets historiques québécois. Ces brochures seraient disponibles dans les écoles et pourraient servir de compléments aux manuels scolaires et aux rares cahiers pédagogiques présentement disponibles, explique Josiane Lavallée. Cette Société pourrait aussi aider au financement de voyages éducatifs et de visites de sites historiques au Québec destinés aux élèves québécois.»
Cela apparaît à leurs yeux d’autant plus important que des organismes historiques canadiens sont déjà à l’oeuvre au Québec. «La Fondation Historica et l’Institut du Dominion, maintenant fusionnés, sont déjà présents dans les classes québécoises, poursuit Robert Comeau. Ils interviennent directement dans l’enseignement de l’histoire au Québec et ce sont des fonds fédéralistes qui influencent le milieu en faisant la promotion d’une histoire canadienne issue du multiculturalisme. Et personne ne s’insurge contre ça!» Une Société historique du Québec permettrait, à leurs yeux, de faire contrepoids aux fondations canadiennes.
La démarche historique
La Coalition pour l’enseignement de l’histoire au Québec entend aussi s’attaquer aux démarches historiques préconisées au Québec. «Dans les universités, présentement, il se fait presque uniquement de l’histoire sociale, dit Robert Comeau, ce qui veut dire qu’il ne se fait plus d’histoire politique nationale. À preuve, les biographies historiques de personnages politiques québécois ne sont pas rédigées par des historiens mais plutôt par des journalistes. À l’université, il y a une histoire savante sur des sujets pointus, mais on ne tient pas compte de l’histoire populaire, celle qui met en scène des personnages et des faits et celle qui est appréciée des gens ordinaires.» «On n’a qu’à constater la popularité des récits historiques pour s’en convaincre», poursuit Josiane Lavallée.
Plutôt que de chercher à renverser une tendance — celle de l’histoire sociale — trop lourde à ses yeux en milieu universitaire, la Coalition propose plutôt la création, au sein de l’Institut national de recherche scientifique (INRS), d’une cinquième section consacrée à l’histoire politique du phénomène national au Québec.
De plus, la Coalition entend lutter contre certaines des démarches utilisées en enseignement de l’histoire au Québec. «J’en veux particulièrement à ce que je nomme le présentisme, précise Robert Comeau. On enseigne l’histoire, mais toujours en revenant à nous. Par exemple, dans cette démarche, on peut demander à un élève de se prononcer sur la valeur de la démocratie à Athènes en comparaison avec la nôtre, où les femmes ont le droit de vote.»
Si la Coalition n’obtient pas tout de suite ce qu’elle cherche, elle n’entend pas baisser les bras pour autant. «Aucun parti politique québécois n’a inscrit, dans son programme électoral, l’enseignement de l’histoire nationale. Pourtant, c’est au coeur de la question identitaire. De concert avec tous nos partenaires, y compris éventuellement les syndicats québécois, nous entendons faire de l’enseignement de l’histoire nationale un enjeu de la prochaine campagne électorale.»