PIERRE ALLARD – pierreyallard.blogspot.ca – 18 avril 2014
Laissez-moi vous parler de quatre de ces municipalités. Trois sont contiguës : Sheenboro, Chichester et Waltham. Dans Sheenboro (population d’environ 130), il reste seulement 5 francophones selon le critère de la langue maternelle, mais aucun n’utilise surtout le français à la maison… Dans ce bled, le Parti libéral a raflé, le jour du scrutin, 57 des 58 votes! Le seul dissident a coché la case de Québec Solidaire…
À la suivante, Chichester (pop. environ 365). Il y a peut-être eu jadis plus de francophones, depuis longtemps assimilés ou en voie d’anglicisation, mais pour l’instant, on en dénombre 35 (moins de 10% de la population). Selon le critère de la langue la plus souvent parlée à la maison, la minorité francophone rétrécit et oscille autour de… 15 personnes. Un taux d’assimilation de plus de 50%… Le PLQ récolte, le 7 avril, 146 des 148 voix exprimées! Là, seuls deux excentriques ont voté ailleurs, un pour la CAQ, l’autre pour le PQ…
Quelques km de plus vers l’est et on arrive à Waltham (pop. 385), où les francophones forment 21% de la population selon la langue maternelle mais seulement 9% selon la langue d’usage. Une assimilation agressive et rapide de près de 60% des parlant français. Sur 196 votes exprimés le 7 avril, 191 vont au PLQ, 1 au Parti marxiste-léniniste, 1 à Québec Solidaire, 1 à la CAQ et 2 au PQ. Dans ces trois municipalités, le PLQ engrange entre 97 et 99% du vote.
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Si on voulait une preuve que les anglophones votent en bloc – et c’est un vote clairement identitaire, contre l’autonomie et la francisation accrues du Québec – on n’a qu’à regarder ces résultats, et les autres dans les centres anglophones du Pontiac : 97% pour les libéraux dans Clarendon (anglo à 92%), 96% à Shawville (92% anglophone), 92% à Bristol (anglophone à 81%)…
Si on voulait la preuve que cette campagne électorale était référendaire pour l’ensemble des non-francophones et une bonne partie des francophones, Pontiac en donne la preuve. Ici, la peur de l’indépendance et d’un éventuel référendum joue à plein! Dans certains coins du comté, on se croirait en Ontario, et les francophones (à l’ouest de la ville de Gatineau) y ont été persécutés et assimilés depuis la fin du 19e siècle, au point d’une certaine déconstruction identitaire. Les forces vives de la francophonie, toutes actives qu’elles soient, y sont faibles en nombres.
En voyant le député André Fortin prêter serment en anglais (je suppose qu’il l’avait fait auparavant en français et que Radio-Canada ne l’a pas inclus dans son topo), j’ai songé que cette circonscription incarne tous les défauts d’un bilinguisme collectif que Philippe Couillard voudrait étendre à l’échelle du Québec : un bilinguisme imposé aux seuls francophones, les obligeant à fonctionner dans les deux langues pendant que les anglophones ont l’option de rester, à toutes fins utiles, unilingues anglais…
L’extermination culturelle graduelle des Pontissois francophones ne semble pas intéresser les Québécois des autres régions. Les signes d’érosion de la francophonie dans la Basse-Gatineau et autour du West Island suscitent la même indifférence générale. Misère…