Débat en anglais : qui osera refuser à l’avenir?

Josée Legault  | Journal de Montréal

À 17h30,  le premier débat télévisé des chefs tenu en langue anglaise.

Comme chroniqueure, j’en ferai bien évidemment l’analyse. L’évènement fait en effet partie de la campagne électorale actuelle.

Par contre, sur le principe même de ce débat, je persiste et signe sur ce que j’en écrivais déjà en mai dernier. C’est une très mauvaise idée.

La tenue de ce débat en anglais crée un véritable précédent dont aucun chef de parti à l’avenir n’osera se dissocier.

Pour cette raison, dans les faits, nous assisterons aujourd’hui à la création en direct d’une nouvelle «tradition» électorale au Québec. Soit l’imposition du bilinguisme à la canadienne dans les débats des chefs.

Un bilinguisme où, comme au palier fédéral, des débats auront lieu dans chacune des langues officielles du Canada.

Mais oups. Attendez. Le Québec fait partie du Canada, mais depuis 1974, l’État du Québec, lui, aussi provincial soit-il encore, n’a qu’une seule langue officielle : le français.

C’est d’ailleurs la vraie raison pour laquelle, hormis pour un rarissime débat radiophonique en anglais, en 1985, la règle non écrite, ou la tradition, est que les débats des chefs au Québec ont lieu en français.

Or, en acquiesçant à ce premier débat télévisé en anglais, cette tradition vient de rendre l’âme. Ne vous racontez pas d’histoire là-dessus.

Le Québec, doit-on le rappeler, est pourtant le seul État francophone du continent. Y tient-on encore vraiment?

Autre résultat: nous verrons et entendrons quatre chefs de partis dont le français est la première langue «débattre» entre eux en anglais. Ce qui ne manquera pas d’y ajouter en plus un élément inévitable de surréalisme rappelant aussi une époque qu’on croyait lointaine, où parler le «bilingue» /sic/ était un pré-requis pour exister politiquement au pays.

Je persiste et signe aussi sur l’argument suivant.

Si les débats des chefs doivent avoir lieu en français, ce n’est pas par manque de respect pour la minorité anglo-québécoise. Au contraire. Pour le seul État francophone du continent, c’est avant tout par souci de cohérence politique, législative et historique.

Permettez-moi aussi de préciser à nouveau un élément majeur de mon billet posté en mai dernier :

«Avant que l’on ne m’accuse d’« anglophobie », désolée. Je parle couramment l’anglais depuis mon enfance et j’ai souvent travaillé en anglais. Y compris pour la Montreal Gazette. Alors, rangez vos bûchers. Mon argumentaire ne porte pas sur moi, mais sur un principe fondateur du Québec moderne.

Le Canada, lui, a deux langues officielles. D’où la tenue au fédéral de débats des chefs dans les deux langues. Quand les élus de l’Assemblée nationale ne font plus la différence, c’est à se demander pourquoi diable ils ont voté une motion s’opposant au simple « Bonjour ! Hi! » dans les commerces.»

Quand on pense, en plus, que le premier ministre de la plus «grosse» province du Canada, l’Ontario, notre voisine, n’est même pas foutu d’aligner deux phrases en français correct…

 

 

 

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