Discours de Maxime Laporte : Journée nationale des Patriotes

Journée nationale des Patriotes
et 180e anniversaire de la SSJB

Après 180 ans d’existence, il faut croire que notre mouvement trempe depuis le début dans une fontaine de jouvence, une fontaine de vie. Chaque instant fait se réactualiser notre combat qui est éternellement jeune; ce combat qu’ont mené autrefois nos ancêtres, ce combat inachevé mais que nous achèverons en parachevant notre liberté. Cette liberté, elle était vraie en 1837-1838; elle n’a pas cessé de l’être en 2014. Nous sommes ici les héritiers de ces hommes et de ces femmes, de toutes origines d’ailleurs, qui étaient Les Patriotes. Certains sont morts pour nous, d’autres ont été exilés. Ce sont des géants. Ce sont nos héros. 

Je me sens aujourd’hui comme au temps où tout revit et cette journée spéciale est l’occasion pour le souligner. Je crois, oui, que le printemps du Québec s’est bien installé en notre âme patriote ! Par centaines de milliers, des bourgeons pleins de vie ont éclaté en fleurs et voici la promesse de temps plus cléments et fraternels pour nous tous et toutes. De même, nos mots, sortant de l’hiver glacé de la déception que plusieurs d’entre nous avons ressenti dernièrement, nos mots printaniers sont revenus et, volant de bouche en cœur, ils offrent à chacun et chacune des raisons d’espérer ! Ces mots, ce sont des mots-lumières. Ils éclairent le chemin de la vertu et du salut du Peuple. Et malgré les coups durs encaissés au fil du temps, et malgré nos traumatismes antérieurs, ces mots je vous les dirai et redirai mille fois : liberté, fraternité, justice, indépendance! 

Ce printemps qui fleurit en nous, et par lequel mûriront les fruits de notre épanouissement collectif, doit être le printemps du ressaisissement, de l’espérance. Tous ensemble, peu importe nos origines, nous venons célébrer, non pas notre statut de sujets de la reine, non pas notre statut de province, mais notre statut de peuple! Parce que nous sommes un peuple, ce qui implique une responsabilité, envers nous-mêmes, mais aussi envers autrui, envers tous les peuples, écossais, catalans, basques, palestiniens, tibétains,  ukrainiens, etc., qui se battent eux aussi, envers tous ceux et celles qui portent les idéaux universels auxquels nous adhérons, et qui se lèvent contre la tyrannie et contre toutes les oppressions. Être un peuple, être une démocratie, être responsable, cela les Patriotes l’avaient bien compris, parce qu’ils se tenaient debout justement pour que le pouvoir soit au peuple et que le peuple soit, dans un Canada mené par des gens qui haïssaient autant la démocratie et que le peuple du Québec. Un Canada qui plus tard, allait se constituer en une confédération non pas pour créer des institutions démocratiques, mais pour faire grandir ici l’élément monarchique et impérial britannique. Je ne l’invente pas : c’est ce que disait Georges-Étienne Cartier; c’est ce qu’ont dit les fondateurs du Canada dans lequel nous vivons encore aujourd’hui. 

En ce jour de printemps, puissent les idéaux des Patriotes fusionner dans un chaud été, jusqu’à se voir sublimer, je l’espère, dans la République. 

Parlons un peu du chemin que nous, Québécois et Québécoises, avons parcouru jusqu’ici et du chemin qu’il nous reste encore à parcourir pour accéder à un avenir qui nous soit salutaire. 

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal n’a jamais refusé d’être sur la brèche, partout et à chaque fois que la langue, les institutions, les intérêts, les citoyens du Québec étaient menacés. La SSJB a été présente depuis 180 ans, aux luttes des francophones en Louisiane, en Acadie, au Manitoba, en Saskatchewan, partout où la francophonie se manifestait d’une manière ou d’une autre, à l’époque où l’on parlait de la présence française en Amérique, avant de s’engager dans le combat pour notre indépendance, cheminement nécessaire et commun aux peuples qui veulent vivre dans le monde, non pas seulement survivre. 

Chaque fois que le pays changeait, la SSJB changeait aussi, parce qu’elle a toujours été faite d’hommes et de femmes qui étaient de leur temps. Et chacun d’entre eux a joué un rôle qui a contribué à édifier, pierre par pierre, la pyramide encore inachevée que constitue cette grande institution. C’est ainsi qu’au cours des années, il y eut l’époque des institutions économiques : Société nationale de Fiducie en tête, il y eut l’époque de la chance égale à donner aux jeunes francophones, qui s’incarna dans la Fondation du Prêt d’Honneur; il y eut l’époque du sous-développement scolaire auquel répondirent chez nous les cours populaires; il y eut l’éveil à la culture et à la fondation du Prix Ludger Duvernay dont Gabrielle Roy fut la première récipiendaire. La SSJB, initiatrice des Hautes Écoles commerciales. La SSJB, initiatrice de la première école nationale de théâtre. Le Code Morin porte le nom de notre ancien président général, Me Victor Morin. 

Mais en filigrane, derrière tout cela qui reste et qui dure, il y eut aussi, pendant 180 ans, les luttes contre conscription, contre les lois des autres provinces réduisant l’espace francophone, contre les empiètements fédéraux sur les prérogatives québécoises; une lutte pied à pied, jamais terminée, come le montrent les luttes contre la Loi 63. Les grands combats pour notre indépendance nationale; la fondation et la refondation du Mouvement Québec français, des Partenaires pour un Québec français, de la Coalition pour l’histoire. Le réseau Cap sur l’indépendance. La Coalition contre les écoles passerelles. La SSJB rassemble depuis toujours des gens d’action qui font une différence dans notre vie nationale. 

Depuis 1834, nous sommes héritiers des Patriotes, et tout particulièrement du patriote Ludger Duvernay, notre fondateur. Aujourd’hui, nous rendons hommage à toutes ces femmes et tous ces hommes qui ne se sont jamais gênés pour dire haut et fort, la liberté; qui ne se sont jamais gênés pour faire avancer nos intérêts et, comme l’indique la devise de la SSJB, pour rendre le peuple meilleur. 

Cela devrait nous inspirer pour la suite. Je crois qu’il faut rompre le tabou quant à notre devenir collectif. Le tabou sur la question nationale. Cette espèce de censure qui s’impose à nos esprits, comme une camisole de force pour la conscience politique. Cette sorte de prison pour l’expression de notre condition historique. Interdit de penser notre avenir national. Interdit de cité. Le tabou, c’est l’enfoncement de nos cerveaux dans un moulin à viande, la dictature de la mièvrerie, du convenu, de la rectitude politique et finalement, du statu quo. Trop parmi nos élites, trop de Québécois y succombent, peut-être par fatigue politique, comme le pensait Hubert Aquin… 

Mais c’est malheureux, puisque le Canada semble incarné dans le silence et dans ce tabou. Un véritable fantôme ! Et qui réussit tout de même à en terrifier plus d’un. Parce que bien des gens semblent toujours croire aux fantômes, ici-bas ! 

C’est la terreur par le silence : le régime d’Ottawa a réussi à ce que nous intériorisions cette terreur, jusqu’à développer une phobie de toute parole libératrice, jusqu’à se spécialiser dans les réflexes d’évitement. Ainsi préfère-t-on généralement réfléchir accessoire plutôt que de s’attaquer au principal. La critique du système et de l’État canadiens a été sacrifiée au profit d’une simple critique partisane, dans le système, qui nous fait oublier la racine d’une bonne partie de nos problèmes. On voit l’arbre sans percevoir la forêt. On voit Harper, mais on ne perçoit plus assez l’architecture du régime qui le supporte.

En fait, c’est comme si on avait oublié que nous ne sommes toujours pas Maîtres chez nous, au sens véritable de l’expression. Nos représentants se comportent en femmes et en hommes d’État, alors que notre Souveraineté est encore à conquérir. 

À tout cela, au tabou que nous impose notre condition, je ne vois qu’un seul remède. Une seule formule magique, mais qui n’a rien de magique lorsqu’elle se traduit en Actes. Cette formule, ce remède à notre enserrement moral et politique consiste à se remémorer les mots du patriote Chevalier de Lorimier qu’on a entendus plus tôt, en les traduisant bien sûr en Actes. Ces mots, ces mots-lumières sont : Vive la liberté, vive l’indépendance!

 Signature Maxime Laporte r
Me Maxime Laporte

Président général
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

 

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