Doléances pour un Québec dépassé

Texte de Jérôme Lussier publié dans La Voir le 4 décembre 2011

Ce n’est pas de l’idéologie de croire que le bilinguisme constitue un avantage et de vouloir en faire bénéficier ses enfants et ses concitoyens. Ce n’est pas naître pour un petit pain de rêver que sa fille étudie à Stanford, que son fils travaille à Shanghaï, que son neveu boxe à Las Vegas ou que sa nièce défile à Milan. Ce n’est pas une perversion de préférer Bon Iver à Paul Piché, Adele à Céline, les Beastie Boys à Loco Locass, mais d’aimer aussi Jean Leloup, Arcade Fire, Malajube et Beau Dommage.

Ce n’est pas de la rectitude politique d’affirmer que les questions environnementales, culturelles et économiques de notre époque dépassent le cadre des politiques nationales.

Ce n’est pas une religion de constater que Facebook, Twitter et Internet permettent de découvrir et entretenir en temps réel des communautés qui se moquent des frontières.

Ce n’est pas une trahison de concéder que le Québec ne représente que 0,1% de l’humanité et que son statut constitutionnel n’y est pour rien.

Ce n’est pas naïf de dire que le Québec a autant sinon plus besoin du reste du monde que le reste du monde a besoin du Québec.

Ce n’est pas de la haine de soi de contempler sans complaisance ce qui pourrait rendre notre langue et notre culture sans attrait pour des immigrants ou des visiteurs.

Ce n’est pas déplacé de suggérer que le copinage, la corruption, les mauvaises écoles et les hôpitaux dysfonctionnels nuisent davantage au Québec que l’université McGill.

Ce n’est pas fédéraliste d’être exaspéré par ceux qui parlent davantage de la Nuit des longs couteaux que du décrochage, du soin des personnes âgées et du suicide au Québec.

Ce n’est pas cynique de rappeler que l’univers ne commence pas à Hull et qu’il ne se termine pas à Gaspé et que les lois et les espoirs du Québec n’ont pas de portée extra-territoriale.

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