Emmanuel-Persillier Lachapelle – Quatre saisons dans la vie d’Emmanuel

Par Jean-Pierre Durand

Emmanuel-Persillier Lachapelle
Emmanuel-Persillier Lachapelle

J’ai reçu un appel il y a deux mois m’informant qu’on m’avait enfin trouvé un médecin d famille. À mon âge, il y a toujours un risque qu’une telle nouvelle nous parvienne de façon posthume, alors c’est vous dire comme j’étais content. La SSJB de Montréal n’a jamais manqué quant à elle de médecins, même qu’elle en compta plus d’un comme président. Faudrait-il expliquer alors sa longévité (175 ans et des poussières) par la présence de tant de toubibs ? Toujours estil qu’avec l’élection de son trente-troisième président, le docteur Emmanuel-Persillier Lachapelle, la SSJB pouvait s’enorgueillir d’avoir trouvé un personnage de grand renom.

Emmanuel naît à Sault-au-Récollet, aujourd’hui Montréal-Nord, aux alentours de Noël 1845. J’ignore comment s’est déroulé l’accouchement, mais, selon les sources, on parle du 21 ou du 23 décembre ! Considérant son prénom et sachant que le 25 décembre est aussi la fête de Saint- Emmanuel, et sans vouloir ajouter ici à la confusion, il est hasardeux de trancher pour une journée ou pour une autre. Mais bon, on ne se chicanera pas pour un jour de plus ou de moins.

De 1857 à 1865, Emmanuel fait ses études classiques au petit séminaire de Montréal, avant d’étudier la médecine à l’École de médecine et de chirurgie de Montréal, institution rattachée au Victoria College de Cobourg, en Ontario. Avec son diplôme en mains, il entre en 1869 à l’Hôtel-Dieu de Montréal. En 1871, il met sur pied avec d’autres médecins la Société médicale de Montréal. Il est également l’un des nombreux fondateurs l’année suivante de l’Union médicale, revue créée grâce à l’initiative du docteur Jean-Philippe Rottot. Lachapelle en fut même le rédacteur en chef pendant un long bout de temps.

Professeur en 1876 à l’École de médecine et de chirurgie, il prit une part active dans le conflit entre l’Université Laval et l’École à propos de l’établissement d’une faculté de médecine. Dans cette querelle, E.-P. Lachapelle, à l’instar de Rottot, prit partie pour l’Université Laval, car, en effet, les médecins étaient profondément divisés entre eux sur la question. Il y avait d’un côté les ultramontains, avec l’évêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget, et de l’autre, les partisans de l’Université Laval. En 1879, cette dernière ouvre une faculté de médecine distincte de l’École. C’est le docteur Rottot qui en devient le doyen. D’autres médecins et professeurs le suivent. Malgré le conflit entre les deux clans et le fait que certains médecins ne s’adressent plus la parole en public, ni ne veulent se serrer la main, ils n’en continuent pas moins de collaborer entre eux au sein de la SSJB, qui réussit contre toute attente à réunir ultramontains et libéraux. L’Hôtel- Dieu se fermant aux étudiants de la nouvelle faculté, l’Université Laval décide de fonder un grand hôpital catholique à Montréal et en confie la charge à Lachapelle, qui, du coup, pour mieux s’atteler à ce travail donne sa démission comme deuxième vice-président de notre Société.

Le docteur Lachapelle est sans contredit le personnage clé dans la fondation de l’Hôpital Notre-Dame, le 27 juillet 1880, installée alors dans les anciens locaux de l’hôtel Donegana, situés sur la rue Notre-Dame. La querelle entre les deux institutions ne s’éteint pas pour autant. L’École de médecine et de chirurgie poursuit sa croisade contre l’Université Laval. Le maire de Montréal s’en mêle et proteste auprès du Saint-Siège à Rome. Montréal entrevoit déjà sa propre université.

En janvier 1887, Lachapelle revient à la SSJB, mais par la grande porte cette fois, comme président. Doyen de la faculté de Médecine et surintendant de l’hôpital Notre-Dame, son prestige ne laisse aucun doute. Son règne sera néanmoins de courte durée: tout juste un an, ou quatre saisons. Quant au différend entre l’École de médecine et la faculté de l’Université de Montréal, il se résoudra avec la fusion de l’École et de la faculté en juillet 1891. Lachapelle en sera le doyen de 1908 jusqu’à sa mort. Une première étape venait donc d’être franchie vers la création d’une université montréalaise.

Il est important de souligner que, non seulement le docteur Lachapelle était-il un administrateur de qualité, mais il était aussi un homme qui avait à coeur la santé publique. Il se souciait grandement d’hygiène publique à une époque où cette préoccupation était encore nouvelle. Il contribua par exemple à réduire les cas de diphtérie, de fièvre typhoïde et de tuberculose.

On pourrait énumérer pendant des pages son engagement comme médecin, philanthrope, administrateur, etc. Cet homme eut une vie bien remplie, qui mériterait d’être davantage connue qu’elle me semble l’être. S’il put se dévouer autant pour son peuple, c’est, entre autres, dû au fait qu’il soit resté célibataire. Il mourut le 1er août 1918 à Rochester, Minnesota, et fut inhumé le 6 à Montréal. Alors, en cette période du temps des Fêtes, que pourrais-je vous offrir d’autres pour 2011, en songeant à notre trente-troisième président, que mes voeux de santé pour vous et les vôtres.