Une enquête plaide pour un retour de la dimension politique et nationale du Québec
C’est un cours d’histoire aseptisé, dépouillé de ses références nationales, voire passé à l’eau de Javel que le Québec dispense à ses quelque 242 000 élèves du secondaire, conclut une vaste enquête menée par la Coalition pour l’histoire auprès des enseignants.
Véritable plaidoyer pour le retour de la dimension politique et nationale dans l’enseignement de l’histoire, cette enquête est aussi un sondage assorti de dix de recommandations à la ministre de l’Éducation, exigeant notamment de bonifier le nombre d’heures d’histoire enseignée, d’améliorer la formation des futurs enseignants au baccalauréat et d’abolir la fameuse compétence 3 du programme qui, trop subjective, subordonne le contenu historique à l’éducation à la citoyenneté.
Intitulée «Une histoire javellisée au service du présent», l’enquête est un sondage mené auprès de 215 des 1070 enseignants d’histoire (excluant ceux qui enseignent Monde contemporain en 5e secondaire), et très étoffée en commentaires, visant à «prendre le pouls des enseignants à l’égard des contenus des programmes d’histoire de la 1re à la 4e secondaire et du cours Monde contemporain de la 5e secondaire», peut-on lire dans l’enquête réalisée par la cofondatrice de la Coalition pour l’histoire, Josiane Lavallée, qui est rendue publique ce matin.
Le jugeant trop frileux et trop axé sur le présent, près des deux tiers (63 %) des enseignants souhaitent que soit révisé le programme d’histoire de 3e et 4e secondaire pour rendre plus visibles les questions politiques et nationale. «Pour tout dire, avec cette nouvelle conception de l’enseignement de l’histoire qui prône exagérément le pluralisme culturel de la société québécoise, on a pratiquement fait disparaître […] le concept de nation québécoise au profit du concept de société», lit-on dans le rapport d’enquête.
Dénonçant le caractère répétitif du programme d’histoire, 82 % enseignants sont d’accord pour qu’il ne soit plus enseigné de façon chronologique (3e secondaire) et thématique (4e secondaire), mais plutôt scindé en deux, soit «l’histoire du Québec et du Canada de 1500 à 1840» et «l’histoire du Québec et du Canada de 1840 à nos jours», quitte à le rebaptiser.
De l’avis de la Coalition, cela éviterait les incohérences qui font qu’à l’heure actuelle, les enseignants de 3e secondaire enseignent l’histoire du régime français sans même parler du mode de fonctionnement du système seigneurial, qui a pourtant été au coeur du développement de la Nouvelle-France.
Plus d’heures d’histoire
En 5e secondaire, le cours Monde contemporain ne satisfait pas 77 % des enseignants, qui déplorent que le contenu soit trop axé sur l’actualité mondiale et qu’il laisse bien peu de place à l’histoire du XXe siècle, nécessaire à une bonne analyse.
Actuellement de 350 heures réparties sur tout le secondaire, le programme devrait être de 500 heures (100 par année), estiment 79 % des professeurs. Ils souhaitent également qu’elles ne soient plus «prescriptives» par le Régime pédagogique, mais plutôt «obligatoires». Car si le nombre d’heures consacré à l’enseignement de l’histoire est respecté par 76 % des enseignants, ce n’est pas toujours le cas au premier cycle. «[Le nombre d’heures] n’est pas [respecté] pour les élèves inscrits dans les programmes enrichis ou dans les divers programmes particuliers comme les concentrations en musique, en arts, en sciences ou sports-études.»
Enfin, les enseignants eux-mêmes estiment leur formation universitaire déficiente. Ils sont 69 % à dire qu’ils auraient voulu suivre plus de cours d’histoire. Actuellement, au baccalauréat, le nombre de cours d’histoire obligatoires est de 10 ou 11, selon les universités. La Coalition recommande qu’il y ait 20 cours obligatoires avec une possibilité d’en suivre jusqu’à 25.