Et si on parlait du français?

Mathieu Bock-Coté | Journal de Montréal

 

2017 est une année riche en commémorations pour les Québécois.

Dans le cadre des célébrations pour marquer le 50e anniversaire de la visite du général de Gaulle, ils ont pu se demander : qu’en est-il aujourd’hui du Québec libre ? Avons-nous, comme peuple, gagné en autonomie politique depuis 50 ans ?

De même, dans les prochaines semai­nes, les Québécois pourront se poser des questions sur leur rapport au français. Fin août, nous commémorerons les 40 ans de la Charte de la langue française ou, si l’on préfère, de la loi 101.

 

Libération

Il faut revenir à la Révolution tranquille des années 1960 pour bien comprendre son importance.

Pour les Québécois, c’était une époque de libération. Ils ne voulaient plus vivre en étrangers chez eux. Ils voulaient vivre dans leur propre langue et avec leur propre culture.

Après quelques tentatives ratées ou insuffisantes, comme le Bill 63 du gouvernement Bertrand et la loi 22 du gouvernement Bourassa, la loi 101 du gouvernement Lévesque, en 1977, viendra enfin donner le cadre politique permettant cette affirmation identitaire.

Son grand promoteur sera Camille Laurin, qui y voyait aussi une manière de renforcer l’estime de soi des Québécois en les décolonisant mentalement. Les Québécois devaient reprendre le contrôle de leur destin.

La loi était ambitieuse.

Elle faisait du français la seule langue publique commune. Son principe, c’était l’unilinguisme.

Elle imposait un affichage unilingue français. Elle obligeait les francophones et les immigrés à envoyer leurs enfants à l’école française. Elle entendait faire du français la langue du travail.

En gros, il s’agissait de faire du Québec une société française à part entière, ce qui n’était pas contradictoire avec le respect des droits de la minorité historique anglaise.

Ce n’est pas sans raison qu’on a vu dans la loi 101 l’expression la plus ambitieuse de notre volonté de conserver et d’affirmer notre identité collective en Amérique.

Mais que reste-t-il de la loi 101 ? On sait que les tribunaux d’Ottawa l’ont attaquée à de nombreuses reprises. Aujour­d’hui, elle est pleine de trous. Elle a perdu de son efficacité.

Adhérons-nous encore aux objectifs de la loi 101 ?

 

Offensive

Demandons-nous d’abord ce qu’il reste de son idéal.

En 40 ans, nous sommes passés du rêve d’un Québec français au Québec bilingue. On maquille cette régression en adaptation à la mondialisation.

Dans les faits, le français perd du terrain. On le voit sur le marché du travail.

On constate aussi qu’il est bien moins attrayant qu’on ne le souhaiterait pour un trop grand nombre d’immigrés, qui passent massivement dans le système scolaire anglophone lorsqu’ils arrivent au cégep, c’est-à-dire dès qu’ils en ont l’occasion.

Mais il se pourrait bien qu’on assiste à un début de réveil linguistique.

Tout doucement, on entend une inquié­tude monter.

Comme si les Québécois commençaient à comprendre enfin que s’ils perdent leur langue, ils perdront l’essen­tiel de ce qu’ils sont.

Quarante ans après la loi 101, il faut lancer une nouvelle offensive linguistique.

 

 

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