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Faire revivre le huron-wendat? Oui, c’est possible, plaide un linguiste

Ismaël Houdassine  | Radio-Canada
Une signalisation en langue huronne-wendate à Wendake.
Photo: Radio-Canada / Claude Brunet

On l’a enterré plusieurs fois, pourtant le huron-wendat n’a pas dit son dernier mot. Ces dernières années, plusieurs Autochtones tentent de ramener à la vie la langue parlée par leurs ancêtres. C’est le cas du linguiste Michel Gros-Louis qui n’a pas hésité à changer de carrière pour apprendre la langue et l’enseigner.

La langue huronne-wendate n’est pas morte, elle est seulement « endormie », se plaisent à dire certains membres de la communauté de Wendake, près de Québec. Pour la faire renaître après un siècle de sommeil, des projets ont récemment vu le jour comme l’initiative Yawenda, le programme de revitalisation linguistique qui a débuté en 2010 et dont le nom signifie « la voix ».

« Le huron-wendat est en soi toujours vivant, explique en entrevue Michel Gros-Louis. On a des dictionnaires écrits par les jésuites au temps de la colonisation, des manuscrits du XVIIe siècle et le travail de nombreux anthropologues. »

Mais les défis demeurent nombreux pour faire revivre une langue qui n’a plus de locuteur depuis le début du siècle dernier. La volonté est sans doute la meilleure amie de la langue huronne-wendate puisque de plus en plus de membres de la nation autochtone veulent reprendre contact avec leurs traditions à travers les mots. Ce qui n’était pas du tout le cas il y a 20 ans, fait remarquer le linguiste.

« Personne ne parlait de revitalisation des langues autochtones. Les institutions n’avaient pas les budgets et ça n’intéressait pas vraiment les gens. Aujourd’hui, la situation a beaucoup changé. On a, à la fois, le désir des communautés et l’ouverture des différents paliers de gouvernement. Tous sont prêts à s’investir pour la sauvegarde des langues. »

 

Lorsqu’on apprend une langue, on a un contact direct avec les ancêtres. La langue est une empreinte des valeurs d’un peuple que ce soit au niveau culturel et spirituel. Quand on comprend une langue, on apprend à connaître comment nos anciens vivaient ou pensaient.

 Michel Gros-Louis, linguiste

M. Gros-Louis est membre de la nation huronne-wendate. Il a d’abord appris la langue en autodidacte. Après des études en sciences biologiques, il entreprend une carrière au ministère Agriculture Canada. Il décide ensuite de devenir linguiste à plein temps afin de redécouvrir sa langue et sa culture ancestrale.

« À l’adolescence, je souffrais beaucoup de ne pas pouvoir parler la langue, dit-il. Je demandais à mes parents pourquoi les autres Premières Nations parlaient leur langue, mais pas nous. Je me sentais perdu. »

L’homme, co-auteur avec Jacques Benoît de l’ouvrage Les Hurons-Wendats : nouveaux regards, se souvient qu’à l’âge de 13 ans, il essayait déjà de trouver des vieux dictionnaires. Il apprenait chaque terme par cœur sentant au fond de lui un véritable appel intérieur. Dorénavant, la langue est en partie enseignée à l’école primaire et dans le centre de la petite enfance Orak à Wendake.

« Garder une langue en santé, cela prend des lois linguistiques afin de la protéger, rétorque-t-il. Tout le monde doit travailler ensemble, y compris ceux qui ont la compétence d’enseigner la langue. Et puis il faut se doter d’outils comme la normalisation de l’écriture, la prononciation et la rédaction de dictionnaires incluant les nouveaux mots de notre époque. »

Parce qu’il n’existe aucune archive sonore, le huron-wendat peut sembler hermétique à beaucoup de personnes. Mais des solutions existent, fait remarquer M. Gros-Louis, qui s’est doté d’une maîtrise en phonétique en huron-wendat. Il enseigne la langue à l’association Agondachia.

« Une des difficultés reste la prononciation du huron-wendat. Toutefois, il faut savoir qu’elle fait partie de la famille des langues iroquoiennes comme l’oneida, le cayuga ou le mohawk. Tous ces parlers possèdent encore des milliers de locuteurs qui peuvent nous être d’une grande aide. »

 

La société huronne-wendate a longtemps été matrilinéaire. Dans notre culture, les sœurs de notre mère sont aussi nos mères. On ne fait pas de différence. La langue utilise le même mot pour nommer tous ces liens de parenté.

 Michel Gros-Louis, linguiste

Le linguiste travaille d’ailleurs en étroite collaboration avec certains membres de la Nation mohawk de Kahnawake. « Quand j’ai commencé à utiliser des mots que j’avais appris en huron-wendat et que je voyais qu’ils me comprenaient, alors cela m’a donné beaucoup d’espoir. Nous partageons les mêmes racines linguistiques. »

Donner une pleine vitalité au huron-wendat est possible, mais cela prendra du temps, croit M. Gros-Louis qui ajoute que la langue s’apprend très bien. Il suffit, selon lui, d’assimiler le lexique de base, quelques règles de fonctionnement grammatical et d’être accompagné par un bon professeur.

« Le processus est long. Ça ne se fera pas du jour au lendemain. Les efforts doivent se faire de partout. Le Conseil de la Nation huronne-wendate commence à utiliser les terminologies autochtones. Même s’il y a beaucoup à faire, la langue est dorénavant de plus en plus visible. »

Afin de sensibiliser les populations sur les « risques critiques » qui touchent les langues autochtones, l’Assemblée générale des Nations unies a proclamé 2019 « Année internationale des langues autochtones ».

 

 

 

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