Fronde contre le contingentement au cégep

 

 

Patrick Bellerose  JOURNAL DE MONTRÉAL

Des groupes de défense de la langue française craignent que le contingentement envisagé par Québec ne rende les cégeps anglophones encore plus attrayants en réservant leur accès aux étudiants les plus doués.

Dans le cadre de sa réforme prochaine de la Charte de la langue française, le gouvernement Legault étudie la possibilité de limiter le nombre de places permises dans les cégeps de langue anglaise. «Ça peut faire partie des options», a récemment confirmé le premier ministre François Legault, après la diffusion d’un reportage de Radio-Canada. M. Legault avait déjà écarté l’idée d’imposer la loi 101 au-delà du niveau secondaire.

Mais les groupes Mouvement Québec français (MQF) et Pour le cégep français, ainsi que l’essayiste Frédéric Lacroix (auteur du livre Pourquoi la loi 101 est un échec) s’inquiètent de cette approche.

«Quand on crée une rareté, on se trouve à accroître la valeur qui est associée à cette rareté», dit le président du MQF, Maxime Laporte, qui qualifie l’approche de «demi-mesure».

«Ça dénote un gouvernement qui renonce, du moins pour l’instant, à mettre ses culottes», lance-t-il.

L’auteur Frédéric Lacroix, lui, estime que le Québec fait déjà face à un «système à deux vitesses» au collégial, où le réseau anglophone peut choisir parmi les meilleurs élèves, en raison de la forte demande. «Donc, on va peut-être empirer le problème», note-t-il.

 

Migration de l’élite

«Le gouvernement Legault ne semble pas comprendre l’importance et l’urgence de la situation», estime son frère, Yannick Lacroix, porte-parole du groupe Pour le cégep français. Créé récemment, le groupe rassemble des professeurs de niveau collégial et des citoyens inquiets.

Lui-même professeur de philosophie au cégep Maisonneuve, Yannick Lacroix remarque que le réseau anglophone attire déjà les étudiants les plus doués. «On voit se dessiner une migration de l’élite étudiante collégiale, de toutes langues maternelles, vers le cégep anglais», témoigne-t-il.

Et une majorité de ceux qui étudient en anglais prévoit poursuivre leurs études et leur carrière dans cette langue, souligne Yannick Lacroix, en citant une étude de l’Institut de recherche sur le français en Amérique.

 

Loi 101 au cégep

Pour le Mouvement Québec français et Frédéric Lacroix, la solution passe inévitablement par l’imposition de la loi 101 au cégep. Ainsi, seuls ceux qui auront étudié en anglais au primaire et au secondaire pourraient poursuivre dans cette langue au niveau collégial. «C’est, pour nous, la seule solution viable et structurante», dit Maxime Laporte.

De son côté, Pour le cégep français s’inquiète surtout des DEC bilingues mis en place par certains établissements francophones, en raison de la compétition du réseau anglophone. Le groupe propose donc de profiter de la réforme pour inscrire dans la Charte de la langue française que les cours dans les cégeps francophones doivent impérativement se donner dans la langue de Molière.