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Gédéon Ouimet – c’est aussi un pont

Par Jean-Pierre Durand

Gédéon Ouimet
Gédéon Ouimet

Quand on entend le nom de Jacques Cartier, on pense forcément au grand explorateur malouin qui érigea une croix à Gaspé en 1534. Qu’aujourd’hui son nom soit aussi associé à un pont est un détail bien anecdotique. Par contre, il en va tout autrement pour Gédéon Ouimet, car c’est à peu près tout ce que l’on retient de lui : le pont, et encore ! Souhaitons que ce court texte contribue à réparer cet oubli.

Né à Sainte-Rose, sur les bords de la rivière des Mille-Îles, à Laval, le 2 juin 1823, Gédéon était le vingt-sixième enfant de Jean Ouimet, cultivateur de son état, et de Marie Beautronc dit Major. En 1850, il épouse Jeanne Pellant, elle-même fille de cultivateur, avec qui il a quatre fils et trois filles qui atteignirent l’âge adulte (à cette époque, ce détail a son importance). Je ne saurais en dire plus sur le « père Gédéon », car les documents consultés sont avares de commentaires sur cet aspect.

En 1834, ses parents l’inscrivent au séminaire de Saint-Hyacinthe, puis en 1837, ils l’envoient au petit séminaire de Montréal. En 1839, il fait un stage en droit dans le cabinet de son frère André (1808-1853), qui fut l’ancien président de l’aile politique des Fils de la liberté. Il est admis au Barreau du Bas-Canada en août 1844.

Il s’installe d’abord à Vaudreuil, où il deviendra maire de 1852 à 1854. À la fin de son mandat, il vient s’établir à Montréal où il s’associe avec une trâlée d’avocats bien en vue. Parallèlement à la pratique du droit, Gédéon Ouimet, qui s’était rangé du côté de Louis-Hippolyte La Fontaine au moment de l’Union du Haut et du Bas-Canada, milite au sein du Parti libéral-conservateur et devient député de Beauharnois sous les couleurs de cette formation en 1858.

Les années qui suivent sont une succession de postes dans les hautes sphères de la vie publique. Il redevient député, mais cette fois de Deux-Montagnes, en 1867, alors qu’il est nommé au poste prestigieux de procureur général de la province de Québec dans le cabinet de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau. En 1869 et 1870, il préside l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB) et devient ainsi le vingtième président en titre de notre Société.

En aparté, on ne peut passer sous silence que les années entourant la Confédération canadienne de 1867 ont représenté un tournant majeur pour la nation canadiennefrançaise, dont plusieurs des nôtres à l’époque n’imaginaient pas les conséquences dommageables en germe. Au sein de la SSJB d’alors, les avis sont partagés et deux courants sont représentés : ceux qui appuient la Confédération et ceux qui s’y opposent, même mollement. Or, l’un des principaux artisans de la Confédération est nul autre que George-Étienne Cartier, alors à son zénith, un ancien et ardent Patriote, proche de Ludger Duvernay, et, de surcroît, un ancien président de notre Société, bref, quelqu’un en qui bon nombre des nôtres pouvaient difficilement ne pas accorder leur confiance… et c’est ainsi qu’on tomba dans le panneau du fieffé apostat !

Par la suite, même les rouges, avec Wilfrid Laurier en tête, un Canadien français pardessus le marché, qui s’étaient opposés avec d’autres à la Confédération, se résignent et rentrent dans le rang, se rangent, comme on dit. Ah, qu’il semble alors loin le temps de Louis-Joseph Papineau où l’on résistait aux empiètements de la Couronne, où l’on parlait de 92 résolutions et de Révolution ! Mais, petit à petit, cette résistance canadiennefrançaise allait renaître et se faire entendre à nouveau (notamment, pour ne citer qu’un exemple, en s’opposant à la participation canadienne à la guerre des Boers), mais cela est une autre histoire.

Pour notre histoire, Gédéon Ouimet est un bourgeois bon teint qui est du côté de George-Étienne Cartier et il y a fort à parier que l’avènement de la Confédération lui allait comme un gant.

En 1873, Chauveau, invoquant des raisons de santé et s’apprêtant à être nommé au Sénat, abandonne à Gédéon Ouimet son poste de premier ministre de la province. Le règne de Ouimet comme deuxième premier ministre du Québec après la signature du pacte confédératif dura quelque cinq cents jours. En effet, il est contraint de démissionner en septembre 1874 à la suite d’une transaction financière douteuse dans laquelle son parti se trouve impliqué (ce qu’on a appelé le scandale des Tanneries), mais il ne quitte pas la scène politique pour longtemps.

En janvier 1876, on le nomme au poste de surintendant de l’Instruction publique, qu’il occupe jusqu’à sa retraite en 1895. Ardent défenseur de l’éducation, Ouimet favorise l’accessibilité des études, notamment par la distribution gratuite de matériel scolaire aux élèves de la province. Il soutient l’enseignement laïc à une période où l’influence des communautés religieuses en éducation était grandissante. On le considère aussi comme l’un des fondateurs de l’École polytechnique de Montréal. Enfin, il contribue à favoriser les écoles du soir (éducation aux adultes).

Il meurt à Mont-Saint-Hilaire, chez son fils Gustave, le 23 avril 1905, au terme d’une longue maladie. Un pont qui enjambe la rivière des Mille-Îles sur le parcours de l’autoroute des Laurentides porte aujourd’hui son nom… gageons que cela vous rappelle sûrement quelqu’un !

(Principales sources consultées : Dictionnaire biographique du Canada et Un premier ministre oublié depuis longtemps : Gédéon Ouimet, par Gilles Boileau.)

 

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