Hommage à ma sœur Régine

Régine Laurent, prix Hélène-Pedneault 2015

 

Par Louise Deslauriers

 

Chère Régine,  ma chère sœur, 

J’aimerais débuter par une pensée pour Hélène Pedneault.  Je n’ai pas connu Hélène, mais pour l’avoir lue, l’avoir entendue défendre ses causes sur l’égalité et la justice en particulier pour les femmes, pour son obstination, sa voix grave… sa force de caractère… on ne peut que penser à toi, Régine.

On m’a demandé de te présenter… de parler de ton parcours professionnel…quelle affaire…  J’ai aussi envie de parler de la femme que tu es, que je connais depuis plus de 30 ans et qui, depuis toujours est égale à elle-même.

Tu as débuté ta profession d’infirmière en 1980.  Dès les débuts tu as fait appel à ton syndicat pour l’iniquité d’une décision… et tu as gagné. Tu y as découvert le syndicalisme, tu es devenue militante syndicale à l’hôpital Santa Cabrini, et en 1984  élue présidente du Syndicat local de l’Hôpital.

Entre 1984 et aujourd’hui tu en as fait du chemin !  Durant plus de 25 ans comme infirmière, tu as travaillé le jour, la nuit, les fins de semaine, très souvent en temps supplémentaire… et… tu as élevé 2 enfants, seule.  Durant un moment, tu es même retournée aux études. Dès 1991, tu avais des fonctions à temps partiel à l’Exécutif de la FIQ menant cela de front avec ta carrière d’infirmière et ta famille.  En 1993, tu as été élue à un poste à temps complet.

Imaginons la détermination, la persévérance, l’acharnement, l’énergie que ça prend pour faire tout cela en même temps.  Mais au-dessus de tout, il y a tes convictions, ta foi inébranlable pour les causes que tu défends et pour lesquelles tu te bats depuis si longtemps.  Ce qui t’a amenée à être élue Présidente de la FIQ en 2009.

Tu as vécu deux grèves en ’89 et ’99;  tu dis que c’est dur une grève, mais d’autre part, tu as toujours dit à quel point ça devient un mouvement rassembleur pour la suite des choses.  Vous souvenez-vous lorsque les infirmières ont décidé de bloquer l’Autoroute 15 en ’96 parce que le gouvernement voulait aller piger dans leur Fonds de Pension? – Régine état là.   Ou en 2010,  lorsque les infirmières ont loué des roulottes pour aller camper sur le parvis de l’Assemblée nationale à Québec, avec les chaises de jardins, les danses en ligne, les sacs de couchage et les thermos de café… Régine a dansé…

Tu as été impliquée dans les travaux sur l’équité salariale, tu as été une militante active dans des dossiers comme « Échec à la guerre » et « La violence faite aux femmes ».  Tu as été présidente du CISO (Centre international de solidarité ouvrière) où tu y as organisé des stages pour de jeunes infirmières québécoises dans différents pays.

Après plusieurs années de militantisme syndical très actif,  tu es retournée travailler comme infirmière à Santa Cabrini,  – « sur le plancher » –  comme tu me l’as dit.  Évidemment, sans oublier d’être très active comme militante syndicale à l’hôpital.

En 2005, tu es élue Présidente de l’Alliance interprofessionnelle de Montréal – affiliée à la FIQ.  Et en 2009 tu deviens Présidente de la FIQ.  Je me souviens t’avoir demandé pourquoi tu voyageais autant depuis l’accession à ton nouveau poste et toi de me dire… « …je me suis promis – et je leur ai promis-  d’aller visiter la majorité des établissements à travers le Québec, établissements souvent en régions éloignées, parfois très éloignées, et des infirmières qui se sentent bien seules et loin du cœur de l’action de la FIQ… je veux rejoindre les membres, diffuser l’information, rendre l’organisation accessible… » Tu l’as fait !

regine-laurent

En 2010, après de longues négociations, la FIQ signe une nouvelle entente, qui bonifie grandement les conditions de travail des infirmières,  sans passer par la grève !

Tu es une rassembleuse avec une force de persuasion hors pair, et tu as créé un esprit de solidarité partout où tu es passée… et tout cela,  certainement pas avec la langue de bois.   Toujours avec une grande générosité – au travail et dans la vie – avec la même intensité, la même compassion, la même rigueur, une combativité sans fin, avec un charisme qui grandit chaque jour. 

Régine dit souvent qu’elle considère la FIQ comme un phare, un phare pour la défense des professionnels en soins en santé, un phare qui est de toutes les luttes pour le soutien du droit des femmes et des causes sociales.  Moi, je dirais qu’aujourd’hui, Régine est cette « lumière » dont a absolument besoin un phare… pour guider les esprits pour la défense des services publics,  pour l’organisation du travail, pour donner un meilleur avenir à tous les membres, et pour humaniser les soins de santé.

En 2014, la Coop de santé SABSA à Québec a élargi son champs d’action grâce au projet pilote financé par la FIQ et avec la volonté indéfectible de Régine,  et est devenue une clinique de proximité sans médecin, avec infirmières praticiennes. Un an plus tard, on ne peut que constater son grand succès.

Il y a un mois, Régine a concrétisé un autre projet – la FIQ a établi une ligne téléphonique directe avec la population pour que les patients puissent faire part de situations inacceptables dans le réseau de la santé, mais aussi pour aider à dénoncer l’Omerta qui existe dans le milieu.

Tout ça pour une meilleure justice, l’égalité,  la démocratie. Et aujourd’hui, tu plaides pour une meilleure organisation du travail dans le réseau de la santé mais en insistant sur l’humanisation des soins auprès des patients.

Je ne peux terminer sans penser à Mme Yolande Adam, la maman de Régine, la « Mamie »,  qui nous a quittés ce printemps.

Alors qu’elle était hospitalisée en ‘94 et que mon conjoint était passé la voir, la Mamie se fait dire par une infirmière qu’il faut qu’elle se repose et qu’elle a beaucoup trop de visiteurs… et la Mamie de lui répondre, « …Lui (le blanc bec…) c’est mon fils,  alors vous pouvez le laisser venir me voir à volonté ! … »  C’est ainsi que Régine a appris par les infirmières qu’elle avait un 2ème frère.

Une maman tellement forte – à tous égards – et qui disait à Régine :   « Qui se fait plat comme un ver de terre ne doit pas se surprendre qu’on lui marche dessus »

La leçon a porté, on ne te marchera pas dessus !   Et nous te souhaitons tout le courage, la santé et la force nécessaires pour la suite des choses.