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Il y a 50 ans, «I have a dream» – Le rêve de Luther King, de Birmingham à Washington

Article de Guy Taillefer publié dans Le Devoir le 24 août 2013

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«Quand il prononce son fameux discours, cet après-midi-là du 28 août 1963, en pleine tourmente raciale, Martin Luther King touche, certes, mais surprend aussi.[…]

Aujourd’hui considéré comme l’un des plus marquants du XXe siècle, celui qu’il prononce ce jour-là sur les marches du Lincoln Memorial devant plus de 200 000 personnes assommées par l’été humide de la capitale américaine révèle au pays et au monde son génie oratoire, y compris pour le président John F. Kennedy, qui n’avait jamais entendu un discours de King au complet, malgré le fait que ce dernier militait contre les lois ségrégationnistes depuis le début des années 1950.[…]

Discours tremblant d’humanisme où il marie le propos révolutionnaire à l’esprit de réconciliation, le combat contre la ségrégation (100 ans après la Proclamation d’émancipation du président Abraham Lincoln abolissant l’esclavage, « la vie de l’homme de couleur est toujours paralysée par les menottes de la ségrégation et les chaînes de la discrimination. […] Il ne suffira pas de nous faire prendre la pilule calmante du gradualisme ») aux appels religieux, imbibés de sentiments patriotiques, à la « symphonie magnifique » de la solidarité humaine (« Le moment est venu de sortir notre pays des sables mouvants de l’injustice raciale pour l’installer sur le roc solide de la fraternité… »).

L’enrobage n’émeut pas les ennemis du pasteur baptiste, épouvantés par l’efficacité du propos, point d’orgue de la « Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté » (« March on Washington for Jobs and Freedom »). William Sullivan, directeur adjoint au FBI, recommande ceci : « Il faut le marquer, si ce n’est déjà fait, comme le nègre le plus dangereux de la nation. »[…]

Au printemps 1963, King débarque à Birmingham et lance avec un leader local, Fred Shuttlesworth, le « Projet C » (pour « confrontation ») contre les lois Jim Crow qui encadrent la ségrégation dans les États du Sud depuis 1876. Les Noirs ont beau constituer 40 % des 350 000 habitants de la ville, ils n’ont aucun accès au marché de l’emploi, sinon comme domestiques ou petits travailleurs dans les aciéries. Un Noir ne peut pas devenir policier, ou chauffeur d’autobus, ou commis de magasin. Il ne boit pas non plus à la fontaine du Blanc. En 1960, seulement 10 % des Noirs de la ville sont inscrits sur les listes électorales.

En avril et mai 1963, une série de sit-in et de marches pacifiques sont très violemment réprimés par la police. Trois mille personnes sont arrêtées, en majorité des jeunes étudiants des collèges. Emprisonné pour la énième fois, King écrit sa célèbre « Lettre depuis la prison de Birmingham » dans laquelle il défend et explique sa stratégie de résistance non violente. Complètement paralysée, la Ville finit par accepter – non sans que les commerçants du centre-ville, voyant leurs affaires péricliter sous l’impact des campagnes de boycottage, fassent pression sur les autorités municipales – de dé-ségréguer la vie publique et commerciale. Les Noirs auront dorénavant le droit de s’asseoir sur les bancs de parc…

Du refus en 1955 de Rosa Parks de céder sa place à un Blanc dans un autobus de Montgomery, capitale de l’Alabama, au Civil Rights Act de 1964 et au Voting Rights Act de 1965 (dont la Cour suprême vient de démanteler, en juin, une partie des dispositions !), les progrès sont sensibles. La campagne de Birmingham y fut pour beaucoup et les points qu’y marquent le révérend King et son mouvement sont capitaux. Pour autant, cela n’empêchera pas les violences racistes de se répéter – et de finir par avoir la peau du pasteur en 1968, sur le balcon du Lorraine Motel, à Memphis.[…]

Sauf que le paradigme racial continue néanmoins de jouer un rôle majeur dans la société américaine, affirme l’historien (blanc) Glenn Feldman, de l’University of Alabama in Birmingham. « Administration de la justice, politique électorale, inégalités socioéconomiques… Le problème, c’est que beaucoup d’Américains cultivent le fantasme que le “rêve” s’est complètement réalisé, ce qui est faux, même si au quotidien les rapports sociaux sont autrement plus sains qu’ils l’étaient. S’il était vivant aujourd’hui, Fox News n’arrêterait pas d’accuser King de fomenter la division raciale. »

Lire l’article complet sur le site du journal Le Devoir

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