«Dans son livre La bataille de Londres (Boréal, 2013), l’historien Frédéric Bastien révèle que deux juges de la Cour suprême, soit le juge en chef Laskin et le juge Estey, ont eu plusieurs contacts avec les autorités politiques canadiennes et britanniques dans les mois précédant l’important renvoi de 1981 relatif à la constitutionnalité du projet de rapatriement unilatéral de la Constitution. Si le comportement de ces deux juges et des autorités fédérales dans cette affaire représente de toute évidence une atteinte au principe constitutionnel d’indépendance judiciaire, il est néanmoins difficile de prendre la mesure de l’ampleur des irrégularités révélées par le livre de M. Bastien, et ce, tant et aussi longtemps que les autorités fédérales ne prendront pas les moyens pour faire la lumière sur cet épisode controversé et peu glorieux de l’histoire du plus haut tribunal de la fédération. D’ici là, ce n’est rien de moins que la crédibilité, la neutralité et l’indépendance de la Cour suprême qui risquent d’être affectées par ces révélations.
L’indépendance judiciaire est un principe constitutionnel fondamental d’organisation du pouvoir judiciaire. La liberté du juge de décider sans intervention réelle ou apparente de la part des autorités politiques est une condition essentielle à la crédibilité et au bon fonctionnement de l’administration de la justice. Le pouvoir judiciaire doit être à l’abri de toute intervention du pouvoir exécutif et législatif. C’est pourquoi l’indépendance suppose l’absence totale de contacts entre le judiciaire et le politique».
Patrick Taillon et Geneviève Motard
Publié dans Le Devoir