Philippe Orfali | Journal de Montréal
Installée à Toronto plutôt qu’à Montréal par le gouvernement Trudeau, la nouvelle Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) contrevient à la loi en n’offrant qu’en anglais des services, a appris le Journal.
Appelez à la nouvelle institution fédérale, ouverte depuis décembre dans la Ville Reine, et on vous répondra en anglais seulement.
Qu’il s’agisse de questions du public, de demandes d’accès à l’information ou d’entrevues, la BIC fait affaire in English only. Et ce, même si elle affirme que 40 % de son personnel est bilingue.
« Il n’y a personne qui parle en français en ce moment. Pouvez-nous envoyer un courriel? », répond la réceptionniste, en poste depuis 5 mois. En février, pourtant, elle avait indiqué qu’un employé bilingue était sur le point d’être embauché.
« My apologies for replying in English », réplique-t-on systématique aux journalistes francophones qui communiquent avec l’institution, qui est assujettie à la Loi sur les langues officielles.
Il y a un an, Ottawa avait décidé d’installer sa nouvelle banque à Toronto, et non à Montréal comme le lui demandaient le gouvernement du Québec et la communauté d’affaires de la province.
L’institution devrait compter près de 200 employés et va permettre de financer différents projets d’infrastructures à l’échelle du pays. Elle est dotée d’un budget de départ de 35 milliards $. Ottawa souhaite attirer jusqu’à 5 $ de capital privé pour chaque dollar investi par le fédéral.
Mea Culpa
En entrevue, le tout nouveau PDG de l’organisation en poste depuis la semaine dernière, fait son mea culpa. « Ce n’est pas une capacité qu’on a développée depuis l’ouverture. [Mais] on ne peut s’attendre à ce que tout l’appareil soit en place », a affirmé Pierre Lavallée.
La loi est pourtant claire : tout organisme doit être en mesure d’offrir des services dans les deux langues officielles, aussi jeune soit-il. La région du Grand Toronto compte pas moins de 100 000 résidents francophones.
« On va y remédier, il n’y a pas de doute. J’ai grandi à Drummondville et en Outaouais, mes filles ont été éduquées en français en Ontario. C’est important pour moi. »
Aux yeux du porte-parole conservateur en matière de langues officielles, le Québécois Alupa Clark, la situation n’en demeure pas moins inacceptable.
« C’est une approche très Toronto-centriste. La BIC n’est pas une banque privée, elle doit offrir des services bilingues. Ça démontre ce qu’on dit depuis le début, c’est fait tout croche. On aurait voulu que ce soit à Montréal. »
Du côté du bureau du ministre de l’Infrastructure Amarjeet Sohi, on reconnaît l’erreur. « (Actuellement), l’équipe de la BIC est principalement formée de sous-traitants externes, y compris au niveau de l’équipe des communications. Maintenant que Pierre Lavallée a été nommé, nous nous attendons à ce qu’il mette en place une équipe (bilingue) comme prescrit par la loi encadrant les sociétés d’État », a expliqué la directrice des communications Kate Monfette.